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il y a une autre voie ouverte pour le cours de la circulation : le sang, qui est dans l’oreillette droite du cœur, au lieu de passer dans l’artère pulmonaire et de revenir, après avoir parcouru le poumon, dans l’oreillette gauche par la veine pulmonaire, passe immédiatement de l’oreillette droite du cœur dans la gauche par une ouverture nommée le trou ovale, qui est dans la cloison du cœur entre les deux oreillettes ; il entre ensuite dans l’aorte, qui le distribue dans toutes les parties du corps par toutes ses ramifications artérielles, au sortir desquelles les ramifications veineuses le reçoivent et le rapportent au cœur en se réunissant toutes dans la veine-cave qui aboutit a l’oreillette droite du cœur ; le sang que contient cette oreillette, au lieu de passer en entier par le trou ovale, peut s’échapper en partie dans l’artère pulmonaire, mais il n’entre pas pour cela dans le corps des poumons, parce qu’il y a une communication entre l’artère pulmonaire et l’aorte par un canal artériel qui va immédiatement de l’une à l’autre ; c’est par ces voies que le sang du fœtus circule sans entrer dans le poumon, comme il y entre dans les enfants, les adultes et dans tous les animaux qui respirent.

On a cru que le sang de la mère passait dans le corps du fœtus par le moyen du placenta et du cordon ombilical : on supposait que les vaisseaux sanguins de la matrice étaient ouverts dans les lacunes et ceux du placenta dans les mamelons, et qu’ils s’abouchaient les uns avec les autres, mais l’expérience est contraire à cette opinion[NdÉ 1] : on a injecté les artères du cordon, la liqueur est revenue en entier par les veines, et il ne s’en est échappé aucune partie à l’extérieur ; d’ailleurs on peut tirer les mamelons des lacunes où il sont logés, sans qu’il sorte du sang ni de la matrice, ni du placenta ; il suinte seulement de l’une et de l’autre une liqueur laiteuse. C’est, comme nous l’avons dit, cette liqueur qui sert de nourriture au fœtus ; il semble qu’elle entre dans les veines du placenta, comme le chyle entre dans la veine sous-clavière, et peut-être le placenta fait-il en grande partie l’office du poumon pour la sanguification[NdÉ 2]. Ce qu’il y a de sûr, c’est que le sang paraît bien plus tôt dans le placenta que dans le fœtus, et j’ai souvent observé dans les œufs couvés pendant un jour ou deux que le sang paraît d’abord dans les membranes et que les vaisseaux sanguins y sont

  1. Buffon a raison ; il n’y a aucune communication directe entre les vaisseaux du fœtus et ceux de la mère. Les capillaires du placenta sont seulement en contact très intime avec ceux de l’utérus, et c’est par endosmose et exosmose que s’opèrent les échanges de liquides nutritifs et de gaz entre le fœtus et la mère.
  2. La supposition émise ici par Buffon est, comme nous l’avons dit plus haut, tout à fait conforme à la réalité. Chez le fœtus les poumons ne jouent aucun rôle physiologique. L’oxygène nécessaire aux oxydations du fœtus, ou, si l’on veut, à la respiration de ses cellules et de ses tissus, vient de la mère ; il est absorbé dans les capillaires artériels de l’utérus par les capillaires du placenta. Quant à l’acide carbonique qui résulte des oxydations du fœtus, il est ramené vers le placenta par les artères ombilicales, et passe, de là dans les capillaires veineux de l’utérus pour être ensuite expiré par les poumons de la mère.