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ration ne laissent pas d’être féconds comme ceux qu’elle a produits dans le temps de son habitation avec le mâle. L’œuf que la poule pond vingt jours après avoir été séparée du coq produit un poulet comme celui qu’elle aura pondu vingt jours auparavant ; peut-être même que ce terme est beaucoup plus long, et que cette fécondité communiquée aux œufs de la poule par le coq s’étend à ceux qu’elle ne doit pondre qu’au bout d’un mois ou davantage : les œufs qui ne sortent qu’après ce terme de vingt jours ou d’un mois, et qui sont féconds comme les premiers, se développent dans le même temps ; il ne faut que vingt et un jours de chaleur aux uns comme aux autres pour faire éclore le poulet ; ces derniers œufs sont donc composés comme les premiers, et l’embryon y est aussi avancé, aussi formé. Dès lors on pourrait penser que cette forme, sous laquelle nous paraît le poulet dans la cicatricule de l’œuf avant qu’il ait été couvé, n’est pas la forme qui résulte immédiatement du mélange des deux liqueurs, et il y aurait quelque fondement à soupçonner qu’elle a été précédée d’autres formes pendant le temps que l’œuf a séjourné dans le corps de la mère ; car lorsque l’embryon a la forme que nous lui voyons dans l’œuf qui n’a pas encore été couvé, il ne lui faut plus que de la chaleur pour le développer et le faire éclore ; or, s’il avait eu cette forme vingt jours ou un mois auparavant, lorsqu’il a été fécondé, pourquoi la chaleur de l’intérieur du corps de la poule, qui est certainement assez grande pour le développer, ne l’a-t-elle pas développé en effet ? Et pourquoi ne trouve-t-on pas le poulet tout formé et prêt à éclore dans ces œufs qui ont été fécondés vingt et un jours auparavant, et que la poule ne pond qu’au bout de ce temps ?

Cette difficulté n’est cependant pas aussi grande qu’elle le paraît, car on doit concevoir que dans le temps de l’habitation du coq avec la poule chaque œuf reçoit dans sa cicatricule une petite portion de la semence du mâle ; cette cicatricule contenait déjà celle de la femelle : l’œuf attaché à l’ovaire est dans les femelles ovipares ce qu’est le corps glanduleux dans les testicules des femelles vivipares ; la cicatricule de l’œuf sera, si l’on veut, la cavité de ce corps glanduleux dans lequel réside la liqueur séminale de la femelle, celle du mâle vient s’y mêler et la pénétrer ; il doit donc résulter de ce mélange un embryon qui se forme dans l’instant même de la pénétration des deux liqueurs : aussi le premier œuf que la poule pond immédiatement après la communication qu’elle vient d’avoir avec le coq se trouve fécondé et produit un poulet ; ceux qu’elle pond dans la suite ont été fécondés de la même façon et dans le même instant, mais comme il manque encore à ces œufs des parties essentielles dont la production est indépendante de la semence du mâle, qu’ils n’ont encore ni blanc, ni membranes, ni coquille, le petit embryon contenu dans la cicatricule ne peut se développer dans cet œuf imparfait, quoiqu’il y soit contenu réellement et que son développement soit aidé de la chaleur de l’intérieur du corps de la mère. Il demeure donc