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produit alors des monstres par excès, et qui ont plus de parties qu’il ne faut, ou bien que quelques-unes de ces parties communes, se trouvant trop éloignées de ce premier centre, soient entraînées par la force du second autour duquel se forme le placenta, ce qui doit faire alors un monstre par défaut, auquel il manque quelque partie.

Au reste, il s’en faut bien que je regarde comme une chose démontrée que ce soient en effet les molécules organiques des parties sexuelles qui servent de point d’appui ou de centre de réunion autour duquel se rassemblent toutes les autres parties qui doivent former l’embryon ; je le dis seulement comme une chose probable, car il se peut bien que ce soit quelque autre partie qui tienne lieu de centre et autour de laquelle les autres se réunissent ; mais comme je ne vois point de raison qui puisse faire préférer l’une plutôt que l’autre de ces parties, que d’ailleurs elles sont toutes communes aux deux individus, et qu’il n’y a que celles des sexes qui soient différentes, j’ai cru qu’il était plus naturel d’imaginer que c’est autour de ces parties différentes, et seules de leur espèce, que se fait la réunion.

On a vu ci-devant que ceux qui ont cru que le cœur était le premier formé se sont trompés ; ceux qui disent que c’est le sang se trompent aussi : tout est formé en même temps. Si l’on ne consulte que l’observation, le poulet se voit dans l’œuf avant qu’il ait été couvé, on y reconnaît la tête et l’épine du dos, et en même temps les appendices qui forment le placenta. J’ai ouvert une grande quantité d’œufs à différents temps, avant et après l’incubation[1], et je me suis convaincu par mes yeux que le poulet existe en entier dans le milieu de la cicatricule au moment qu’il sort du corps de la poule ; la chaleur que lui communique l’incubation ne fait que le développer en mettant les liqueurs en mouvement : mais il n’est pas possible de déterminer, au moins par les observations qui ont été faites jusqu’à présent, laquelle des parties du fœtus est la première fixée dans l’instant de la formation, laquelle est celle qui sert de point d’appui ou de centre de réunion à toutes les autres[NdÉ 1].

J’ai toujours dit que les molécules organiques étaient fixées, et que ce n’était qu’en perdant leur mouvement qu’elles se réunissaient ; cela me paraît certain, parce que si l’on observe séparément la liqueur séminale du

  1. Les figures que Langly a données des différents états du poulet dans l’œuf m’ont paru assez conformes à la nature et à ce que j’ai vu moi-même.
  1. Il est à peine utile de faire ressortir la gravité de l’erreur commise ici par Buffon. Il est absolument inexact que le « poulet se voit dans l’œuf avant qu’il ait été couvé » ; et Buffon, malgré ses affirmations, n’a pas pu « se convaincre par ses yeux que le poulet existe en entier dans la cicatricule au moment qu’il sort du corps de la poule ». Le développement de l’œuf ne commence qu’après l’incubation. Jusqu’à ce moment l’œuf est formé d’une seule cellule : celle-ci se segmente plus tard pour produire, par des procédés, très divers suivant les groupes d’animaux, d’abord deux feuillets cellulaires superposés, puis un troisième intermédiaire. C’est de ces trois lames de cellules que proviennent tous les tissus et tous les organes de l’animal.