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de la mère : je dis que cela n’arrive pas, parce que l’on n’a aucun fait avéré au sujet des hermaphrodites, et que la plupart des sujets qu’on a cru être dans ce cas n’étaient que des femmes dans lesquelles certaine partie avait pris trop d’accroissement.

Il est vrai qu’en réfléchissant sur la structure des parties de la génération de l’un et de l’autre sexe dans l’espèce humaine, on y trouve tant de ressemblance et une conformité si singulière qu’on serait assez porté à croire que ces parties qui nous paraissent si différentes à l’extérieur ne sont au fond que les mêmes organes, mais plus ou moins développés. Ce sentiment, qui était celui des anciens, n’est pas tout à fait sans fondement, et on trouvera dans le troisième volume les idées que M. Daubenton a eues sur ce sujet ; elles m’ont paru très ingénieuses, et d’ailleurs elles sont fondées sur des observations nouvelles qui probablement n’avaient pas été faites par les anciens, et qui pourraient confirmer leur opinion à ce sujet[NdÉ 1].

La formation du fœtus se fait donc par la réunion des molécules organiques contenues dans le mélange qui vient de se faire des liqueurs séminales des deux individus ; cette réunion produit l’établissement local des parties, parce qu’elle se fait selon les lois d’affinité qui sont entre ces différentes parties, et qui déterminent les molécules à se placer comme elles l’étaient dans les individus qui les ont fournies : en sorte que les molécules qui proviennent de la tête, et qui doivent la former, ne peuvent, en vertu de ces lois, se placer ailleurs qu’auprès de celles qui doivent former le col, et qu’elles n’iront pas se placer auprès de celles qui doivent former les jambes. Toutes ces molécules doivent être en mouvement lorsqu’elles se réunissent, et dans un mouvement qui doit les faire tendre à une espèce de centre autour duquel se fait la réunion. On peut croire que ce centre ou ce point d’appui qui est nécessaire à la réunion des molécules, et qui par sa réaction et son inertie en fixe l’activité et en détruit le mouvement, est une partie différente de toutes les autres : et c’est probablement le premier assemblage des molécules qui proviennent des parties sexuelles, qui, dans ce mélange, sont les seules qui ne soient pas absolument communes aux deux individus.

Je conçois donc que, dans ce mélange des deux liqueurs, les molécules organiques qui proviennent des parties sexuelles du mâle se fixent d’elles-mêmes les premières et sans pouvoir se mêler avec les molécules qui proviennent des parties sexuelles de la femelle, parce qu’en effet elles en sont différentes, et que ces parties se ressemblent beaucoup moins que l’œil, le bras, ou toute autre partie d’un homme ne ressemble à l’œil, au bras ou à toute autre partie d’une femme. Autour de cette espèce de point d’appui ou de centre de réunion, les autres molécules organiques s’arrangent succes-

  1. Daubenton est le premier qui ait mis en relief l’homologie qui existe entre les diverses parties de l’appareil mâle et celles de l’appareil femelle. Les ovaires de la femelle répondent aux testicules du mâle, les canaux déférents du mâle aux oviductes de la femelle.