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ront se fixer indifféremment pour former le reste du corps, et que le placenta et les enveloppes sont formés de l’excédent des molécules organiques qui n’ont pas été employées à former le fœtus : si, comme nous le supposons, le fœtus est mâle, alors il reste pour former le placenta et les enveloppes toutes les molécules organiques des parties du sexe féminin qui n’ont pas été employées, et aussi toutes celles de l’un ou de l’autre des individus qui ne seront pas entrées dans la composition du fœtus, qui ne peut en admettre que la moitié ; et de même, si le fœtus est femelle, il reste pour former le placenta toutes les molécules organiques des parties du sexe masculin et celles des autres parties du corps, tant du mâle que de la femelle, qui ne sont pas entrées dans la composition du fœtus, ou qui en ont été exclues par la présence des autres molécules semblables qui se sont réunies les premières.

Mais, dira-t-on, les enveloppes et le placenta devraient alors être un autre fœtus qui serait femelle si le premier était mâle, et qui serait mâle si le premier était femelle, car le premier n’ayant consommé pour se former que les molécules organiques des parties sexuelles de l’un des individus et autant d’autres molécules organiques de l’un et de l’autre des individus, qu’il en fallait pour sa composition entière, il reste toutes les molécules des parties sexuelles de l’autre individu, et de plus la moitié des autres molécules communes aux deux individus. À cela on peut répondre que la première réunion, le premier établissement local des molécules organiques, empêche que la seconde réunion se fasse, ou du moins se fasse sous la même forme ; que le fœtus étant formé le premier, il exerce une force à l’extérieur qui dérange l’établissement des autres molécules organiques, et qui leur donne l’arrangement qui est nécessaire pour former le placenta et les enveloppes ; que c’est par cette même force qu’il s’approprie les molécules nécessaires à son premier accroissement, ce qui cause nécessairement un dérangement qui empêche d’abord la formation d’un second fœtus, et produit ensuite un arrangement dont résulte la forme du placenta et des membranes.

Nous sommes assurés par ce qui a été dit ci-devant, et par les expériences et les observations que nous avons faites, que tous les êtres vivants contiennent une grande quantité de molécules vivantes et actives : la vie de l’animal ou du végétal ne paraît être que le résultat de toutes les actions, de toutes les petites vies particulières (s’il m’est permis de m’exprimer ainsi) de chacune de ces molécules actives, dont la vie est primitive et paraît ne pouvoir être détruite[NdÉ 1] ; nous avons trouvé ces molécules vivantes

  1. Si au terme « molécules vivantes » dont fait usage Buffon, nous substituons le terme « cellules », sa proposition devient tout à fait exacte, et nous pouvons dire que chaque cellule est douée d’une vie propre, et que « la vie de l’animal ou du végétal n’est que le résultat de toutes les actions, de toutes les petites vies particulières ». Par une sorte de divination géniale, Buffon entrevoyait la solution du problème ; mais l’état précaire dans lequel se trouvait, à son époque, les sciences biologiques ne lui permettait pas d’en poser exactement les termes.