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dans la matrice, où elle rencontre celle de la femelle : ces deux liqueurs ont entre elles une analogie parfaite, puisqu’elles sont composées toutes les deux de parties non seulement similaires par leur forme, mais encore absolument semblables dans leurs mouvements et dans leur action, comme nous l’avons dit chapitre vi. Je conçois donc que par ce mélange des deux liqueurs séminales, cette activité des molécules organiques de chacune des liqueurs est comme fixée par l’action contre-balancée de l’une et de l’autre, en sorte que chaque molécule organique venant à cesser de se mouvoir reste à la place qui lui convient, et cette place ne peut être que celle de la partie qu’elle occupait auparavant dans l’animal, ou plutôt dont elle a été renvoyée dans le corps de l’animal : ainsi toutes les molécules qui auront été renvoyées de la tête de l’animal se fixeront et se disposeront dans un ordre semblable à celui dans lequel elles ont en effet été renvoyées ; celles qui auront été renvoyées de l’épine du dos se fixeront de même dans un ordre convenable, tant à la structure qu’à la position des vertèbres, et il en sera de même de toutes les autres parties du corps ; les molécules organiques qui ont été renvoyées de chacune des parties du corps de l’animal prendront naturellement la même position, et se disposeront dans le même ordre qu’elles avaient lorsqu’elles ont été renvoyées de ces parties ; par conséquent ces molécules formeront nécessairement un petit être organisé, semblable en tout à l’animal dont elles sont l’extrait.

On doit observer que ce mélange des molécules organiques des deux individus contient des parties semblables et des parties différentes ; les parties semblables sont les molécules qui ont été extraites de toutes les parties communes aux deux sexes ; les parties différentes ne sont que celles qui ont été extraites des parties par lesquelles le mâle diffère de la femelle ; ainsi il y a dans ce mélange le double des molécules organiques pour former, par exemple, la tête ou le cœur, ou telle autre partie commune aux deux individus, au lieu qu’il n’y a que ce qu’il faut pour former les parties du sexe : or, les parties semblables, comme le sont les molécules organiques des parties communes aux deux individus, peuvent agir les unes sur les autres sans se déranger, et se rassembler, comme si elles avaient été extraites du même corps ; mais les parties dissemblables, comme le sont les molécules organiques des parties sexuelles, ne peuvent agir les unes sur les autres, ni se mêler intimement, parce qu’elles ne sont pas semblables : dès lors, ces parties seules conserveront leur nature sans mélange et se fixeront d’elles-mêmes les premières, sans avoir besoin d’être pénétrées par les autres ; ainsi les molécules organiques qui proviennent des parties sexuelles seront les premières fixées, et toutes les autres, qui sont communes aux deux individus, se fixeront ensuite indifféremment et indistinctement, soit celles du mâle, soit celles de la femelle, ce qui formera un être organisé qui ressemblera parfaitement à son père si c’est un mâle, et à