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et si ces vicissitudes de l’air sont, comme le prétend un grand philosophe[1], les principales causes de la destruction des êtres vivants, il est certain que les poissons étant de tous les animaux ceux qui y sont le moins exposés, ils doivent durer beaucoup plus longtemps que les autres ; mais ce qui doit contribuer encore plus à la longue durée de leur vie, c’est que leurs os sont d’une substance plus molle que ceux des autres animaux, et qu’ils ne se durcissent pas et ne changent presque point du tout avec l’âge ; les arêtes des poissons s’allongent, grossissent et prennent de l’accroissement sans prendre plus de solidité, du moins sensiblement, au lieu que les os des autres animaux, aussi bien que toutes les autres parties solides de leur corps, prennent toujours plus de dureté et de solidité ; et, enfin, lorsqu’elles sont absolument remplies et obstruées, le mouvement cesse et la mort suit. Dans les arêtes, au contraire, cette augmentation de solidité, cette réplétion, cette obstruction, qui est la cause de la mort naturelle[NdÉ 1], ne se trouve pas, ou du moins ne se fait que par degrés beaucoup plus lents et plus insensibles, et il faut peut-être beaucoup de temps pour que les poissons arrivent à la vieillesse.

Tous les animaux quadrupèdes et qui sont couverts de poils sont vivipares ; tous ceux qui sont couverts d’écailles sont ovipares ; les vivipares sont, comme nous l’avons dit, moins féconds que les ovipares : ne pourrait-on pas croire que dans les quadrupèdes ovipares il se fait une bien moindre déperdition de substance par la transpiration, que le tissu serré des écailles la retient, au lieu que dans les animaux couverts de poil cette transpiration est plus libre et plus abondante ? et n’est-ce pas en partie par cette surabondance de nourriture, qui ne peut être emportée par la transpiration, que ces animaux multiplient davantage, et qu’ils peuvent aussi se passer plus longtemps d’aliments que les autres ? Tous les oiseaux et tous les insectes qui volent sont ovipares, à l’exception de quelques espèces de mouches[2] qui produisent d’autres petites mouches vivantes ; ces mouches n’ont point d’ailes au moment de leur naissance ; on voit ces ailes pousser et grandir peu à peu à mesure que la mouche grossit, et elle ne commence à s’en servir que quand elle a pris son accroissement ; les poissons couverts d’écailles sont aussi tous ovipares ; les reptiles qui n’ont point de pieds, comme les couleuvres et les différentes espèces de serpents, sont aussi ovipares ; ils changent de peau, et cette peau est composée de petites écailles. La vipère ne fait qu’une légère exception à la règle générale, car elle n’est pas vrai-

  1. Le chancelier Bacon. Voyez son Traité de la Vie et de la Mort.
  2. Voyez Leeuwenhoek, t. IV, p. 91 et 92.
  1. Buffon envisage la mort naturelle comme la conséquence d’une sorte d’augmentation de dureté des organes et des tissus, dureté qui serait due à l’accumulation de principes inorganiques. Cette opinion a été admise, depuis son époque, par plus d’un naturaliste.