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Les animaux ovipares sont, en général, plus petits que les vivipares ; ils produisent aussi beaucoup plus : le séjour que les fœtus font dans la matrice des vivipares s’oppose encore à la multiplication ; tandis que ce viscère est rempli et qu’il travaille à la nutrition du fœtus, il ne peut y avoir aucune nouvelle génération, au lieu que les ovipares qui produisent en même temps les matrices et les fœtus, et qui les laissent tomber en dehors, sont presque toujours en état de produire, et l’on sait qu’en empêchant une poule de couver et en la nourrissant largement on augmente considérablement le produit de sa ponte ; si les poules cessent de pondre lorsqu’elles couvent, c’est parce qu’elles ont cessé de manger, et que la crainte où elles paraissent être de laisser refroidir leurs œufs fait qu’elles ne les quittent qu’une fois par jour, et pour un très petit temps, pendant lequel elles prennent un peu de nourriture, qui peut-être ne va pas à la dixième partie de ce qu’elles en prennent dans les autres temps.

Les animaux qui ne produisent qu’un petit nombre de fœtus prennent la plus grande partie de leur accroissement, et même leur accroissement tout entier, avant que d’être en état d’engendrer ; au lieu que les animaux qui multiplient beaucoup engendrent avant même que leur corps ait pris la moitié ou même le quart de son accroissement. L’homme, le cheval, le bœuf, l’âne, le bouc, le bélier, ne sont capables d’engendrer que quand ils ont pris la plus grande partie de leur accroissement ; il en est de même des pigeons et des autres oiseaux qui ne produisent qu’un petit nombre d’œufs ; mais ceux qui en produisent un grand nombre, comme les coqs et les poules, les poissons, etc., engendrent bien plus tôt ; un coq est capable d’engendrer à l’âge de trois mois, et il n’a pas alors pris plus du tiers de son accroissement ; un poisson qui doit au bout de vingt ans peser trente livres engendre dès la première ou seconde année, et cependant il ne pèse peut-être pas alors une demi-livre.

Mais il y aurait des observations particulières à faire sur l’accroissement et la durée de la vie des poissons ; on peut reconnaître à peu près leur âge en examinant avec une loupe ou un microscope les couches annuelles dont sont composées leurs écailles, mais on ignore jusqu’où il peut s’étendre ; j’ai vu des carpes chez M. le comte de Maurepas dans les fossés de son château de Pontchartrain, qui ont au moins cent cinquante ans bien avérés, et elles m’ont paru aussi agiles et aussi vives que des carpes ordinaires. Je ne dirai pas avec Leeuwenhoek que les poissons sont immortels, ou du moins qu’ils ne peuvent mourir de vieillesse ; tout, ce me semble, doit périr avec le temps, tout ce qui a eu une origine, une naissance, un commencement, doit arriver à un but, à une mort, à une fin ; mais il est vrai que les poissons vivant dans un élément uniforme, et étant à l’abri des grandes vicissitudes et de toutes les injures de l’air, doivent se conserver plus longtemps dans le même état que les autres animaux ;