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organisation fût aussi simple en apparence que celle de cette machine artificielle ; car combien n’y a-t-il pas d’animaux dans lesquels nous ne distinguons aucun mouvement produit par la volonté ? et n’en connaissons-nous pas d’autres dont l’organisation nous paraît si simple que tout leur corps est transparent comme du cristal, sans aucun membre, et presque sans aucune organisation apparente ?

Si l’on convient une fois que l’ordre des productions de la nature se suit uniformément et se fait par degrés et par nuances, on n’aura pas de peine à concevoir qu’il existe des corps organiques qui ne sont ni animaux, ni végétaux, ni minéraux ; ces êtres intermédiaires auront eux-mêmes des nuances dans les espèces qui les constituent et des degrés différents de perfection et d’imperfection dans leur organisation : les machines de la laite du calmar sont peut-être plus organisées, plus parfaites que les autres animaux spermatiques, peut-être aussi le sont-elles moins ; les œufs le sont peut-être encore moins que les uns et les autres ; mais nous n’avons sur cela pas même de quoi fonder des conjectures raisonnables.

Ce qu’il y a de certain, c’est que tous les animaux et tous les végétaux, et toutes les parties des animaux et des végétaux contiennent une infinité de molécules organiques vivantes qu’on peut exposer aux yeux de tout le monde, comme nous l’avons fait par les expériences précédentes ; ces molécules organiques prennent successivement des formes différentes et des degrés différents de mouvement et d’activité, suivant les différentes circonstances : elles sont en beaucoup plus grand nombre dans les liqueurs séminales des deux sexes et dans les germes des plantes que dans les autres parties de l’animal ou du végétal ; elles y sont au moins plus apparentes et plus développées, ou, si l’on veut, elles y sont accumulées sous la forme de ces petits corps en mouvement. Il existe donc dans les végétaux et dans les animaux une substance vivante qui leur est commune : c’est cette substance vivante et organique qui est la matière nécessaire à la nutrition ; l’animal se nourrit de l’animal ou du végétal, comme le végétal peut aussi se nourrir de l’animal ou du végétal décomposé : cette substance nutritive, commune à l’un et à l’autre, est toujours vivante, toujours active ; elle produit l’animal ou le végétal, lorsqu’elle trouve un moule intérieur, une matrice convenable et analogue à l’un et à l’autre, comme nous l’avons expliqué dans les premiers chapitres ; mais lorsque cette substance active se trouve rassemblée en grande abondance dans des endroits où elle peut s’unir, elle forme dans le corps animal d’autres animaux tels que le ténia, les ascarides, les vers qu’on trouve quelquefois dans les veines, dans les sinus du cerveau, dans le foie, etc. Ces espèces d’animaux ne doivent pas leur existence à d’autres animaux de même espèce qu’eux, leur génération ne se fait pas comme celle des autres animaux ; on peut donc croire qu’ils sont produits par cette matière organique lorsqu’elle est extravasée, ou lorsqu’elle n’est