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les animaux et les végétaux non seulement n’est pas générale, mais même n’est pas bien décidée[NdÉ 1].

Une troisième différence paraît être dans la manière de se nourrir : les animaux, par le moyen de quelques organes extérieurs, saisissent les choses qui leur conviennent, ils vont chercher leur pâture, ils choisissent leurs aliments ; les plantes, au contraire, paraissent être réduites à recevoir la nourriture que la terre veut bien leur fournir ; il semble que cette nourriture soit toujours la même, aucune diversité dans la manière de se la procurer, aucun choix dans l’espèce : l’humidité de la terre est leur seul aliment. Cependant, si l’on fait attention à l’organisation et à l’action des racines et des feuilles, on reconnaîtra bientôt que ce sont là les organes extérieurs dont les végétaux se servent pour pomper la nourriture, on verra que les racines se détournent d’un obstacle ou d’une veine de mauvais terrain pour aller chercher la bonne terre, que même ces racines se divisent, se multiplient, et vont jusqu’à changer de forme pour procurer de la nourriture à la plante ; la différence entre les animaux et les végétaux ne peut donc pas s’établir sur la manière dont ils se nourrissent.

Cet examen nous conduit à reconnaître évidemment qu’il n’y a aucune différence absolument essentielle et générale entre les animaux et les végétaux, mais que la nature descend par degrés et par nuances imperceptibles d’un animal qui nous paraît le plus parfait à celui qui l’est le moins, et de celui-ci au végétal. Le polype d’eau douce sera, si l’on veut, le dernier des animaux et la première des plantes[NdÉ 2].

En effet, après avoir examiné les différences, si nous cherchons les ressemblances des animaux et des végétaux, nous en trouverons d’abord une qui est générale et très essentielle, c’est la faculté commune à tous deux de se reproduire, faculté qui suppose plus d’analogies et de choses semblables que nous ne pouvons l’imaginer, et qui doit nous faire croire que, pour la nature, les animaux et les végétaux sont des êtres à peu près du même ordre.

Une seconde ressemblance peut se tirer du développement de leurs parties, propriété qui leur est commune, car les végétaux ont, aussi bien que les animaux, la faculté de croître, et, si la manière dont ils se développent est différente, elle ne l’est pas totalement ni essentiellement, puisqu’il y a dans les animaux des parties très considérables, comme les os, les cheveux, les ongles, les cornes, etc., dont le développement est une vraie végétation,

  1. On peut dire qu’en écrivant cet alinéa, Buffon a deviné les résultats auxquels devait aboutir la science cent ans après lui. Voyez notre Introduction.
  2. Le polype d’eau douce est un animal beaucoup plus élevé en organisation qu’on ne pouvait le supposer il y a un siècle ; mais ce que Buffon en dit peut fort bien être appliqué à un grand nombre d’autres organismes, desquels il est absolument impossible de dire s’ils sont des végétaux ou des animaux ; tels sont les Monériens, un grand nombre de Flagellates, etc.