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parties de leur corps ; ce superflu ne peut pas y arriver sous une autre forme que sous celle d’une liqueur, puisque c’est un extrait de toutes les parties du corps, et cette liqueur est ce que j’ai toujours appelé la semence de la femelle.

Cette liqueur n’est pas, comme le prétend Aristote, une matière inféconde par elle-même, et qui n’entre ni comme matière, ni comme forme dans l’ouvrage de la génération ; c’est au contraire une matière prolifique, et aussi essentiellement prolifique que celle du mâle, qui contient les parties caractéristiques du sexe féminin, que la femelle seule peut produire, comme celle du mâle contient les parties qui doivent former les organes masculins, et chacune de ces liqueurs contient en même temps toutes les autres parties organiques qu’on peut regarder comme communes aux deux sexes, ce qui fait que par leur mélange la fille peut ressembler à son père, et le fils à sa mère. Cette liqueur n’est pas composée, comme le dit Hippocrate, de deux liqueurs, l’une forte qui doit servir à produire des mâles, et l’autre faible qui doit former les femelles ; cette supposition est gratuite, et d’ailleurs je ne vois pas comment on peut concevoir que dans une liqueur qui est l’extrait de toutes les parties du corps de la femelle, il y ait des parties qui puissent produire des organes que la femelle n’a pas, c’est-à-dire, les organes du mâle.

Cette liqueur doit arriver par quelque voie dans la matrice des animaux qui portent et nourrissent leur fœtus au dedans de leur corps, ou bien elle doit se répandre sur d’autres parties dans les animaux qui n’ont point de vraie matrice ; ces parties sont les œufs, qu’on peut regarder comme des matrices portatives, et que l’animal jette au dehors. Ces matrices contiennent chacune une petite goutte de cette liqueur prolifique de la femelle, dans l’endroit qu’on appelle la cicatricule ; lorsqu’il n’y a pas eu de communication avec le mâle, cette goutte de liqueur prolifique se rassemble sous la figure d’une petite mole, comme l’a observé Malpighi, et quand cette liqueur prolifique de la femelle, contenue dans la cicatricule, a été pénétrée par celle du mâle, elle produit un fœtus qui tire sa nourriture des sucs de cette matrice dans laquelle il est contenu.

Les œufs, au lieu d’être des parties qui se trouvent généralement dans toutes les femelles, ne sont donc au contraire que des parties que la nature a employées pour remplacer la matrice dans les femelles qui sont privées de cet organe[NdÉ 1] : au lieu d’être les parties actives et essentielles à la première fécondation, les œufs ne servent que comme parties passives et accidentelles à la nutrition du fœtus déjà formé par le mélange des liqueurs des deux

  1. Il me paraît inutile de faire ressortir la gravité de l’erreur commise ici par Buffon. Il est tellement dominé par son idée des « particules vivantes » formant une prétendue liqueur femelle, qu’il en arrive à n’envisager l’œuf que comme un élément accidentel, destiné à remplacer la prétendue liqueur femelle lorsque celle-ci manquerait.