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niques et vivantes de la nourriture qui se présentent sous des formes différentes. Leeuwenhoek, qui ne savait à quoi attribuer l’origine de ces prétendus animaux de cette matière qui s’attache aux dents, suppose qu’ils viennent de certaines nourritures où il y en a, comme du fromage ; mais on les trouve également dans ceux qui mangent du fromage et dans ceux qui n’en mangent point, et, d’ailleurs, ils ne ressemblent en aucune façon aux mites, non plus qu’aux autres petites bêtes qu’on voit dans le fromage corrompu. Dans un autre endroit il dit que ces animaux des dents peuvent venir de l’eau de citerne que l’on boit, parce qu’il a observé des animaux semblables dans l’eau du ciel, surtout dans celle qui a séjourné sur des toits couverts ou bordés de plomb, où l’on trouve un grand nombre d’espèces d’animaux différents ; mais nous ferons voir, lorsque nous donnerons l’histoire des animaux microscopiques, que la plupart de ces animaux qu’on trouve dans l’eau de pluie ne sont que des parties organiques mouvantes qui se divisent, qui se rassemblent, qui changent de forme et de grandeur, et qu’on peut enfin faire mouvoir et rester en repos, ou vivre et mourir, aussi souvent qu’on le veut.

La plupart des liqueurs séminales se délaient d’elles-mêmes, et deviennent plus liquides à l’air et au froid qu’elles ne le sont au sortir du corps de l’animal ; au contraire elles s’épaississent lorsqu’on les approche du feu et qu’on leur communique un degré, même médiocre, de chaleur. J’ai exposé quelques-unes de ces liqueurs à un froid assez violent, en sorte qu’au toucher elles étaient aussi froides que de l’eau prête à se glacer ; ce froid n’a fait aucun mal aux prétendus animaux, ils continuaient à se mouvoir avec la même vitesse et aussi longtemps que ceux qui n’y avaient pas été exposés ; ceux au contraire qui avaient souffert un peu de chaleur cessaient de se mouvoir, parce que la liqueur s’épaississait. Si ces corps en mouvement étaient des animaux, ils seraient donc d’une complexion et d’un tempérament tout différent de tous les autres animaux, dans lesquels une chaleur douce et modérée ne fait qu’entretenir la vie et augmenter les forces et le mouvement, que le froid arrête et détruit.

Mais voilà peut-être trop de preuves contre la réalité de ces prétendus animaux, et on pourra trouver que nous nous sommes trop étendus sur ce sujet. Je ne puis cependant m’empêcher de faire une remarque dont on peut tirer quelques conséquences utiles, c’est que ces prétendus animaux spermatiques, qui ne sont en effet que les parties organiques vivantes de la nourriture, existent non seulement dans les liqueurs séminales des deux sexes et dans le résidu de la nourriture qui s’attache aux dents, mais qu’on les trouve aussi dans le chyle et dans les excréments. Leeuwenhoek, les ayant rencontrés dans les excréments des grenouilles et de plusieurs autres animaux qu’il disséquait, en fut d’abord fort surpris, et ne pouvant concevoir d’où venaient ces animaux, qui étaient entièrement semblables à ceux des liqueurs