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à la tête lorsqu’ils étaient morts, et que cette ouverture n’existait point pendant leur vie ; il avait vu que la partie qu’il regardait comme la tête de l’animal était pleine et arrondie lorsqu’il était vivant, et, qu’au contraire, elle était affaissée et aplatie après la mort : tout cela devait le conduire à douter que ces corps mouvants fussent de vrais animaux, et, en effet, cela convient mieux à une espèce de machine qui se vide, comme celle du calmar, qu’à un animal qui se meut.

J’ai dit que ces corps mouvants, ces parties organiques ne se meuvent pas comme se mouvraient des animaux, qu’il n’y a jamais aucun intervalle de repos dans leur mouvement. Leeuwenhoek l’a observé tout de même, et il le remarque précisément, tome Ier, page 168 : « Quotiescumque, dit-il, animalcula in semine masculo animalium fuerim contemplatus, attamen illa se unquam ad quietem contulisse, me numquam vidisse, mihi dicendum est, si modo sat fluidæ superesset materiæ in quâ sese commodè movere poterant ; at eadem in continuo manent motu, et tempore quo ipsis moriendum appropinquante, motus magis magisque deficit usquedùm nullus prorsùs motus in illis agnoscendus sit. » Il me paraît qu’il est difficile de concevoir qu’il puisse exister des animaux qui, dès le moment de leur naissance jusqu’à celui de leur mort, soient dans un mouvement continuel et très rapide, sans le plus petit intervalle de repos ; et comment imaginer que ces prétendus animaux du chien, par exemple, que Leeuwenhoek a vus, après le septième jour, en mouvement aussi rapide qu’ils l’étaient au sortir du corps de l’animal, aient conservé pendant ce temps un mouvement dont la vitesse est si grande qu’il n’y a point d’animaux sur la terre qui aient assez de force pour se mouvoir ainsi pendant une heure, surtout si l’on fait attention à la résistance qui provient tant de la densité que de la ténacité de la liqueur dans laquelle ces prétendus animaux se meuvent ? Cette espèce de mouvement continu convient au contraire à des parties organiques qui, comme des machines artificielles, produisent dans un temps leur effet d’une manière continue, et qui s’arrêtent ensuite lorsque cet effet est produit.

Dans le grand nombre d’observations que Leeuwenhoek a faites, il a sans doute vu souvent ces prétendus animaux sans queues ; il le dit même en quelques endroits, et il tâche d’expliquer ce phénomène par quelque supposition ; par exemple (t. II, p. 150) il dit en parlant de la semence du merlus : « Ubi verò ad lactium accederem observationem, in iis partibus quas animalcula esse censebam, neque vitam neque caudam dignoscere potui ; cujus rei rationem esse existimabam, quòd quandiù animalcula natando loca sua perfectè mutare non possunt, tam diù etiam cauda concinnè circà corpus maneat ordinata, quòdque ideò singula animalcula rotundum repræsentent corpusculum. » Il me paraît qu’il eût été plus simple de dire, comme cela est en effet, que les animaux spermatiques de ce poisson ont des queues dans un temps et n’en ont point dans d’autres, que de supposer que