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der en répandant dessus la liqueur de sa laite, ou qu’ils demeurent inféconds faute d’avoir été arrosés de cette liqueur, ils n’arrivent pas moins, dans l’un et l’autre cas, à leur entière perfection. Il me semble donc qu’on doit regarder les œufs en général comme des corps organisés qui, n’étant ni animaux ni végétaux, font un genre à part.

Un second genre d’êtres de la même espèce sont les corps organisés qu’on trouve dans la semence de tous les animaux, et qui, comme ceux de la laite du calmar, sont plutôt des machines naturelles que des animaux. Ces êtres sont proprement le premier assemblage qui résulte des molécules organiques dont nous avons tant parlé ; ils sont peut-être même les parties organiques qui constituent les corps organisés des animaux. On les a trouvés dans la semence de tous les animaux, parce que la semence n’est, en effet, que le résidu de toutes les molécules organiques que l’animal prend avec les aliments ; c’est, comme nous l’avons dit, ce qu’il y a de plus analogue à l’animal même, ce qu’il y a de plus organique dans la nourriture qui fait la matière de la semence, et, par conséquent, on ne doit pas être étonné d’y trouver des corps organisés.

Pour reconnaître clairement que ces corps organisés ne sont pas de vrais animaux, il n’y a qu’à réfléchir sur ce que nous présentent les expériences précédentes : les corps mouvants que j’ai observés dans les liqueurs séminales ont été pris pour des animaux, parce qu’ils ont un mouvement progressif, et qu’on a cru leur remarquer une queue ; mais si on fait attention d’un côté à la nature de ce mouvement progressif qui, quand il est une fois commencé, finit tout à coup sans jamais se renouveler, et de l’autre à la nature de ces queues, qui ne sont que des filets que le corps en mouvement tire après lui, on commencera à douter, car un animal va quelquefois lentement, quelquefois vite ; il s’arrête et se repose quelquefois dans son mouvement ; ces corps mouvants, au contraire, vont toujours de même dans le même temps ; je ne les ai jamais vus s’arrêter et se remettre en mouvement ; ils continuent d’aller et de se mouvoir progressivement sans jamais se reposer, et lorsqu’ils s’arrêtent une fois, c’est pour toujours. Je demande si cette espèce de mouvement continu et sans aucun repos est un mouvement ordinaire aux animaux, et si cela ne doit pas nous faire douter que ces corps en mouvement soient de vrais animaux. De même il paraît qu’un animal, quel qui soit, doit avoir une forme constante et des membres distincts ; ces corps mouvants, au contraire, changent de forme à tout instant, ils n’ont aucun membre distinct, et leur queue ne paraît être qu’une partie étrangère à leur individu ; dès lors doit-on croire que ces corps mouvants soient en effet des animaux ? On voit dans ces liqueurs des filaments qui s’allongent et qui semblent végéter ; ils se gonflent ensuite et produisent des corps mouvants ; ces filaments seront, si l’on veut, des espèces de végétaux, mais les corps mouvants qui en sortent ne seront pas des animaux, car jamais l’on n’a