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Je mettrais volontiers dans la première classe de ces espèces d’êtres les œufs, comme en étant le genre le plus apparent. Ceux des poules et des autres oiseaux femelles tiennent, comme on sait, à un pédicule commun, et ils tirent leur origine et leur premier accroissement du corps de l’animal ; mais dans ce temps qu’ils sont attachés à l’ovaire, ce ne sont pas encore de vrais œufs, ce ne sont que des globes jaunes qui se séparent de l’ovaire dès qu’ils sont parvenus à un certain degré d’accroissement ; lorsqu’ils viennent à se séparer, ce ne sont encore que des globes jaunes, mais des globes dont l’organisation intérieure est telle qu’ils tirent de la nourriture, qu’ils la tournent en leur substance, et qu’ils s’approprient la lymphe dont la matrice de la poule est baignée, et qu’en s’appropriant cette liqueur ils forment le blanc, les membranes, et enfin la coquille. L’œuf, comme l’on voit, a une espèce de vie et d’organisation, un accroissement, un développement et une forme qu’il prend de lui-même et par ses propres forces ; il ne vit pas comme l’animal, il ne végète pas comme la plante, il ne se reproduit pas comme l’un et l’autre ; cependant il croît, il agit à l’extérieur et il s’organise. Ne doit-on pas dès lors regarder l’œuf comme un être qui fait une classe à part, et qui ne doit se rapporter ni aux animaux, ni aux minéraux ? car si l’on prétend que l’œuf n’est qu’une production animale destinée pour la nourriture du poulet, et si l’on veut le regarder comme une partie de la poule, une partie d’animal, je répondrai que les œufs, soit qu’ils soient fécondés ou non, soit qu’ils contiennent ou non des poulets, s’organisent toujours de la même façon, que même la fécondation n’y change qu’une partie presque invisible, que dans tout le reste l’organisation de l’œuf est toujours la même, qu’il arrive à sa perfection et à l’accomplissement de sa forme, tant extérieure qu’intérieure, soit qu’il contienne le poulet ou non, et que par conséquent c’est un être qu’on peut bien considérer à part et en lui-même.

Ce que je viens de dire paraîtra bien plus clair, si on considère la formation et l’accroissement des œufs de poisson : lorsque la femelle les répand dans l’eau, ce ne sont encore, pour ainsi dire, que des ébauches d’œufs ; ces ébauches, séparées totalement du corps de l’animal et flottantes dans l’eau, attirent à elles et s’approprient les parties qui leur conviennent, et croissent ainsi par intussusception ; de la même façon que l’œuf de la poule acquiert des membranes et du blanc dans la matrice où il flotte, de même les œufs de poisson acquièrent d’eux-mêmes des membranes et du blanc dans l’eau où ils sont plongés, et soit que le mâle vienne les fécon-


    groupes. Il n’hésite pas à faire un second pas dans cette voie ; il admet que les végétaux se relient aux minéraux par des formes intermédiaires. Ces formes, il les cherche dans les « parties organiques vivantes », c’est-à-dire dans des organismes inférieurs qui, « sans être des animaux et des végétaux, pourraient bien entrer dans la constitution des uns et des autres. » L’œuf, les spermatozoïdes, les animalcules inférieurs lui paraissent être dans ce cas. Certes, il y a erreur dans cette partie de l’hypothèse, mais cette erreur est largement compensée par la vue générale qu’elle est destinée à expliquer. (Voir mon Introduction.)