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soient, tous les corps en un mot vivants ou végétants, sont donc composés de parties organiques vivantes qu’on peut démontrer aux yeux de tout le monde ; ces parties organiques sont en plus grande quantité dans les liqueurs séminales des animaux, dans les germes des amandes des fruits, dans les graines, dans les parties les plus substantielles de l’animal ou du végétal, et c’est de la réunion de ces parties organiques, renvoyées de toutes les parties du corps de l’animal ou du végétal, que se fait la reproduction, toujours semblable à l’animal ou au végétal dans lequel elle s’opère, parce que la réunion de ces parties organiques ne peut se faire qu’au moyen du moule intérieur, c’est-à-dire dans l’ordre que produit la forme du corps de l’animal ou du végétal, et c’est en quoi consiste l’essence de l’unité et de la continuité des espèces, qui, dès lors, ne doivent jamais s’épuiser, et qui d’elles-mêmes dureront autant qu’il plaira à celui qui les a créées de les laisser subsister.

Mais avant que de tirer des conséquences générales du système que je viens d’établir, je dois satisfaire à plusieurs choses particulières qu’on pourrait me demander, et en même temps en rapporter d’autres qui serviront à mettre cette matière dans un plus grand jour.

On me demandera sans doute pourquoi je ne veux pas que ces corps mouvants qu’on trouve dans les liqueurs séminales soient des animaux, puisque tous ceux qui les ont observes les ont regardés comme tels, et que Leeuwenhoek et les autres observateurs s’accordent à les appeler animaux, qu’il ne paraît même pas qu’ils aient eu le moindre doute, le moindre scrupule sur cela. On pourrait me dire aussi qu’on ne conçoit pas trop ce que c’est que des parties organiques vivantes, à moins que de les regarder comme des animalcules, et que de supposer qu’un animal composé de petits animaux est à peu près la même chose que de dire qu’un être organisé est composé de parties organiques vivantes. Je vais tâcher de répondre à ces questions d’une manière satisfaisante.

Il est vrai que presque tous les observateurs se sont accordés à regarder comme des animaux les corps mouvants des liqueurs séminales, et qu’il n’y a guère que ceux qui, comme Verheyen, ne les avaient pas observées avec de bons microscopes, qui ont cru que le mouvement qu’on voyait dans ces liqueurs pouvait provenir des esprits de la semence qu’ils supposaient être en grande agitation ; mais il n’est pas moins certain, tant par mes observations que par celles de M. Needham sur la semence du calmar, que ces corps en mouvement des liqueurs séminales sont des êtres plus simples et moins organisés que les animaux.

Le mot animal, dans l’acception où nous le prenons ordinairement, représente une idée générale, formée des idées particulières qu’on s’est faites de quelques animaux particuliers : toutes les idées générales renferment des idées différentes qui approchent ou diffèrent plus ou moins les unes des