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il avait fait part en 1677, non seulement à milord Brouncker et à la Société royale de Londres, mais même à M. Constantin Huguens, père du fameux Huguens que nous venons de citer : cependant Hartsoeker soutint toujours qu’il avait fait cette découverte en 1674, à l’âge de dix-huit ans ; il dit qu’il n’avait pas osé la communiquer d’abord, mais qu’en 1676 il en fit part à son maître de mathématiques et à un autre ami, de sorte que la contestation n’a jamais été bien décidée. Quoi qu’il en soit, on ne peut pas ôter à Leeuwenhoek la première invention de cette espèce de microscope, dont les lentilles sont des boules de verre faites à la lampe ; on ne peut pas nier qu’Hartsoeker n’eût appris cette manière de faire des microscopes de Leeuwenhoek même, chez lequel il alla pour le voir observer ; enfin il paraît que si Leeuwenhoek n’a pas été le premier qui ait fait cette découverte, il est celui qui l’a suivie le plus loin et qui l’a le plus accréditée ; mais revenons à ses observations.

Je remarquerai : 1o que ce qu’il dit du nombre et du mouvement de ces prétendus animalcules est vrai, mais que la figure de leur corps ou de cette partie qu’il regarde comme la tête et le tronc du corps n’est pas toujours telle qu’il la décrit ; quelquefois cette partie qui précède la queue est toute ronde ou globuleuse, d’autres fois elle est allongée, souvent elle paraît aplatie, quelquefois elle paraît plus large que longue, etc. ; et à l’égard de la queue, elle est aussi très souvent beaucoup plus grosse ou plus petite qu’il ne le dit ; le mouvement de flexion ou de vibration, motus serpentinus, qu’il donne à cette queue, et au moyen duquel il prétend que l’animalcule nage et avance progressivement dans ce fluide, ne m’a jamais paru tel qu’il le décrit. J’ai vu plusieurs de ces corps mouvants faire huit ou dix oscillations de droite à gauche, ou de gauche à droite, avant que d’avancer en effet de l’épaisseur d’un cheveu, et même je leur en ai vu faire un beaucoup plus grand nombre sans avancer du tout, parce que cette queue, au lieu de les aider à nager, est au contraire un filet engagé dans les filaments ou dans le mucilage, ou même dans la matière épaisse de la liqueur ; ce filet retient le corps mouvant comme un fil accroché à un clou retient la balle d’un pendule, et il m’a paru que quand cette queue ou ce filet avait quelque mouvement, ce n’était que comme un fil qui se plie ou se courbe un peu à la fin d’une oscillation. J’ai vu ces filets ou ces queues tenir aux filaments que Leeuwenhoek appelle des vaisseaux, vasa ; je les ai vus s’en séparer après plusieurs efforts réitérés du corps en mouvement ; je les ai vus s’allonger d’abord, ensuite diminuer, et enfin disparaître totalement : ainsi je crois être fondé à regarder ces queues comme des parties accidentelles, comme une espèce d’enveloppe au corps mouvant, et non pas comme une partie essentielle, une espèce de membre du corps de ces prétendus animaux. Mais ce qu’il y a de plus remarquable ici, c’est que Leeuwenhoek dit précisément dans cette lettre à milord Brouncker que, outre ces animaux qui avaient des queues, il y avait aussi