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lentilles n’étaient pas si petites. Huguens ajoute que ce qu’il a observé de particulier dans cette eau de poivre est que toute sorte de poivre ne donne pas une même espèce d’animaux, ceux de certains poivres étant beaucoup plus gros que ceux des autres, soit que cela vienne de la vieillesse du poivre ou de quelque autre cause qu’on pourra découvrir avec le temps. Il y a encore d’autres graines qui engendrent de semblables animaux, comme la coriandre. J’ai vu, continue-t-il, la même chose dans de la sève de bouleau après l’avoir gardée cinq ou six jours. Il y en a qui en ont observé dans l’eau où l’on a fait tremper des noix muscades et de la cannelle, et apparemment on en découvrira en bien d’autres matières. On pourrait dire que ces animaux s’engendrent par quelque corruption ou fermentation ; mais il y en a, ajoute-t-il, d’une autre sorte qui doivent avoir un autre principe, comme sont ceux qu’on découvre avec ce microscope dans la semence des animaux, lesquels semblent être nés avec elle, et qui sont en si grande quantité qu’il semble qu’elle en est presque toute composée ; ils sont tous d’une matière transparente, ils ont un mouvement fort vite, et leur figure est semblable à celle qu’ont les grenouilles avant que leurs pieds soient formés. Cette dernière découverte, qui a été faite en Hollande pour la première fois, me paraît fort importante, etc.

M. Huguens ne nomme pas, comme l’on voit, dans cette lettre l’auteur de la découverte, et il n’y est question ni de Leeuwenhoek, ni d’Hartsoeker par rapport à cette découverte ; mais on trouve dans le Journal du 29 août de la même année l’extrait d’une lettre de M. Hartsoeker, dans laquelle il donne la manière d’arrondir à la lampe ces petites boules de verre, et l’auteur du Journal dit : « De cette manière, outre les observations dont nous avons déjà parlé, il a découvert encore nouvellement que dans l’urine qu’on garde quelques jours, il s’y engendre de petits animaux qui sont encore beaucoup plus petits que ceux qu’on voit dans de l’eau de poivre, et qui ont la figure de petites anguilles ; il en a trouvé dans la semence du coq, qui ont paru à peu près de cette même figure, qui est fort différente, comme l’on voit, de celle qu’ont ces petits animaux dans la semence des autres qui ressemblent, comme nous l’avons remarqué, à des grenouilles naissantes. » Voilà tout ce qu’on trouve dans le Journal des Savants au sujet de cette découverte ; l’auteur paraît l’attribuer à Hartsoeker, mais si l’on fait réflexion sur la manière incertaine dont elle y est présentée, sur la manière assurée et détaillée dont Leeuwenhoek la donne dans sa lettre écrite et publiée près d’un an auparavant, on ne pourra pas douter qu’il ne soit en effet le premier qui ait fait cette observation ; il la revendique aussi, comme un bien qui lui appartient, dans une lettre qu’il écrivit à l’occasion des Essais de dioptrique d’Hartsoeker, qui parurent vingt ans après. Ce dernier s’attribue dans ce livre la première découverte de ces animaux ; Leeuwenhoek s’en plaint hautement, et il fait entendre qu’Hartsoeker a voulu lui enlever la gloire de cette découverte, dont