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HISTOIRE DES ANIMAUX


CHAPITRE PREMIER

COMPARAISON DES ANIMAUX ET DES VÉGÉTAUX

Dans la foule d’objets que nous présente ce vaste globe dont nous venons de faire la description, dans le nombre infini des différentes productions dont la surface est couverte et peuplée, les animaux tiennent le premier rang, tant par la conformité qu’ils ont avec nous, que par la supériorité que nous leur connaissons sur les êtres végétants ou inanimés. Les animaux ont par leurs sens, par leur forme, par leur mouvement, beaucoup plus de rapports avec les choses qui les environnent que n’en ont les végétaux. Ceux-ci, par leur développement, par leur figure, par leur accroissement et par leurs différentes parties, ont aussi un plus grand nombre de rapports avec les objets extérieurs que n’en ont les minéraux ou les pierres, qui n’ont aucune sorte de vie ou de mouvement ; et c’est par ce plus grand nombre de rapports que l’animal est réellement au-dessus du végétal, et le végétal au-dessus du minéral. Nous-mêmes, à ne considérer que la partie matérielle de notre être, nous ne sommes au-dessus des animaux que par quelques rapports de plus, tels que ceux que nous donnent la langue et la main ; et, quoique les ouvrages du Créateur soient en eux-mêmes tous également parfaits[NdÉ 1], l’animal est, selon notre façon d’apercevoir, l’ouvrage le plus complet de la nature, et l’homme en est le chef-d’œuvre.

  1. Buffon exprime ici l’opinion généralement répandue à son époque que « les ouvrages du Créateur sont tous parfaits ». Comment n’en serait-il pas ainsi, le Créateur étant lui-même infiniment parfait ? Beaucoup de philosophes, renversant les termes du raisonnement, disaient encore : « Les œuvres sont parfaites, donc le Créateur est parfait. » Mais l’impitoyable science a renversé tous ces raisonnements. Sont-ils parfaits, les jumeaux qui naissent collés par le ventre ou par le dos ? Sont-ils parfaits, les enfants microcéphales, condamnés à l’idiotie ? Sans parler des monstres, peut-on considérer comme parfaits les innombrables animaux ou végétaux qui naissent avec des qualités dont la présence doit fatalement entraîner leur suppression au bout d’un temps plus ou moins long, en les rendant inaptes au combat pour la vie ?