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CHAPITRE VI

EXPÉRIENCES AU SUJET DE LA GÉNÉRATION

Je réfléchissais souvent sur les systèmes que je viens d’exposer, et je me confirmais tous les jours de plus en plus dans l’opinion que ma théorie était infiniment plus vraisemblable qu’aucun de ces systèmes ; je commençai dès lors à soupçonner que je pourrais peut-être parvenir à reconnaître les parties organiques vivantes, dont je pensais que tous les animaux et les végétaux tiraient leur origine. Mon premier soupçon fut que les animaux spermatiques qu’on voyait dans la semence de tous les mâles pouvaient bien n’être que ces parties organiques, et voici comment je raisonnais[NdÉ 1]. Si tous les animaux et les végétaux contiennent une infinité de parties organiques vivantes, on doit trouver ces mêmes parties organiques dans leur semence, et on doit les y trouver en bien plus grande quantité que dans aucune autre substance, soit animale, soit végétale, parce que la semence n’étant que l’extrait de tout ce qu’il y a de plus analogue à l’individu et de plus organique, elle doit contenir un très grand nombre de molécules organiques, et les animalcules qu’on voit dans la semence des mâles ne sont peut-être que ces mêmes molécules organiques vivantes, ou du moins ils ne sont que la première réunion ou le premier assemblage de ces molécules ; mais, si cela est, la semence de la femelle doit contenir, comme celle du mâle, des molécules organiques vivantes et à peu près semblables à celles du mâle, et l’on doit par conséquent y trouver, comme dans celle du mâle, des corps en mouvement, des animaux spermatiques ; et de même, puisque les parties organiques vivantes sont communes aux animaux et aux végétaux, on doit aussi les trouver dans les semences des plantes, dans le nectareum, dans les

  1. On a vu déjà, dans un chapitre précédent, que Buffon admet l’existence dans le monde d’un nombre pour ainsi dire infini de « parties organiques vivantes » à l’aide desquelles se formerait et s’accroîtrait le corps des animaux et des végétaux. Cette première idée domine tout son système de la génération. Il n’a d’autre préoccupation que de trouver les « parties organiques vivantes » dans le corps de la femelle et dans celui du mâle. C’est dans ce but qu’il attache tant d’importance à la découverte d’une « liqueur séminale » de la femelle qui n’existe pas ; il cherche, en effet, dans ces liqueurs les parties organiques vivantes qui, par leur union, formeront le jeune animal.