Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 2.djvu/113

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Une expérience fameuse en faveur des œufs est celle de Nuck ; il ouvrit une chienne trois jours après l’accouplement, il tira l’une des cornes de la matrice et la lia en la serrant dans son milieu, en sorte que la partie supérieure du conduit ne pouvait plus avoir de communication avec la partie inférieure ; après quoi il remit cette corne de la matrice à sa place et ferma la plaie, dont la chienne ne parut être que légèrement incommodée : au bout de vingt et un jours il la rouvrit et il trouva deux fœtus dans la partie supérieure, c’est-à-dire entre le testicule et la ligature, et dans la partie inférieure de cette corne il n’y avait aucun fœtus ; dans l’autre corne de la matrice, qui n’avait pas été serrée par une ligature, il en trouva trois qui étaient régulièrement disposés, ce qui prouve, dit-il, que le fœtus ne vient pas de la semence du mâle, mais qu’au contraire il existe dans l’œuf de la femelle. On sent bien qu’en supposant que cette expérience qui n’a été faite qu’une fois, et sur laquelle par conséquent on ne doit pas trop compter, en supposant, dis-je, que cette expérience fût toujours suivie du même effet, on ne serait point en droit d’en conclure que la fécondation se fait dans l’ovaire, et qu’il s’en détache des œufs qui contiennent le fœtus tout formé ; elle prouverait seulement que le fœtus peut se former dans les parties supérieures des cornes de la matrice aussi bien que dans les inférieures, et il paraît très naturel d’imaginer que la ligature comprimant et resserrant les cornes de la matrice dans leur milieu oblige les liqueurs séminales, qui sont dans les parties inférieures, à s’écouler au dehors, et détruit ainsi l’ouvrage de la génération dans ces parties inférieures.

Voilà, à très peu près, où en sont demeurés les anatomistes et les physiciens au sujet de la génération : il me reste à exposer ce que mes propres recherches et mes expériences m’ont appris de nouveau ; on jugera si le système que j’ai donné n’approche pas infiniment plus de celui de la nature qu’aucun de ceux dont je viens de rendre compte.

Au Jardin du Roi, le 6 février 1746.