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périssent, à l’exception d’un seul, au lieu qu’il n’est pas également nécessaire que toutes les graines périssent, et que d’ailleurs, en servant de nourriture à d’autres corps organisés, elles servent au développement et à la reproduction des animaux, lorsqu’elles ne deviennent pas elles-mêmes des végétaux, au lieu qu’on ne voit aucun usage des vers spermatiques, aucun but auquel on puisse rapporter leur multitude prodigieuse. Au reste, je ne fais cette remarque que pour rapporter tout ce qu’on a dit ou pu dire sur cette matière, car j’avoue qu’une raison tirée des causes finales n’établira ni ne détruira jamais un système en physique.

Une autre objection que l’on a faite contre l’opinion des vers spermatiques, c’est qu’ils semblent être en nombre assez égal dans la semence de toutes les espèces d’animaux, au lieu qu’il paraîtrait naturel que dans les espèces où le nombre des fœtus est fort abondant, comme dans les poissons, les insectes, etc., le nombre des vers spermatiques fût aussi fort grand ; et il semble que dans les espèces où la génération est moins abondante, comme dans l’homme, les quadrupèdes, les oiseaux, etc., le nombre des vers dût être plus petit ; car, s’ils sont la cause immédiate de la production, pourquoi n’y a-t-il aucune proportion entre leur nombre et celui des fœtus ? D’ailleurs, il n’y a pas de différence proportionnelle dans la grandeur de la plupart des espèces de vers spermatiques, ceux des gros animaux sont aussi petits que ceux des plus petits animaux ; le cabillaud et l’éperlan ont des animaux spermatiques également petits ; ceux de la semence d’un rat et ceux de la liqueur séminale d’un homme sont à peu près de la même grosseur, et lorsqu’il y a de la différence dans la grandeur de ces animaux spermatiques, elle n’est point relative à la grandeur de l’individu ; le calmar, qui n’est qu’un poisson assez petit, a des vers spermatiques plus de cent mille fois plus gros que ceux de l’homme ou du chien, autre preuve que ces vers ne sont pas la cause immédiate et unique de la génération.

Les difficultés particulières qu’on peut faire contre le système des œufs sont aussi très considérables : si le fœtus est préexistant dans l’œuf avant la communication du mâle et de la femelle, pourquoi dans les œufs que la poule produit sans avoir eu le coq, ne voit-on pas le fœtus aussi bien que dans les œufs qu’elle produit après la copulation du coq ? Nous avons rapporté ci-devant les observations de Malpighi faites sur des œufs frais sortant du corps de la poule et qui n’avaient pas encore été couvés ; il a toujours trouvé le fœtus dans ceux que produisaient les poules qui avaient reçu le coq, et dans ceux des poules vierges ou séparées du coq depuis longtemps il n’a jamais trouvé qu’une môle dans la cicatricule ; il est donc bien clair que le fœtus n’est pas préexistant dans l’œuf, mais qu’au contraire il ne s’y forme que quand la semence du mâle l’a pénétré[NdÉ 1].

  1. Idée très exacte.