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TRAITÉ DE L’AIMANT ET DE SES USAGES


ARTICLE PREMIER

DES FORCES DE LA NATURE EN GÉNÉRAL, ET EN PARTICULIER DE L’ÉLECTRICITÉ ET DU MAGNÉTISME.

Il n’y a dans la nature qu’une seule force primitive ; c’est l’attraction réciproque entre toutes les parties de la matière. Cette force est une puissance émanée de la puissance divine, et seule elle a suffi pour produire le mouvement et toutes les autres forces qui animent l’univers. Car, comme son action peut s’exercer en deux sens opposés, en vertu du ressort qui appartient à toute matière, et dont cette même puissance d’attraction est la cause, elle repousse autant qu’elle attire[1]. On doit donc admettre deux effets généraux, c’est-à-dire

  1. Nous croyons nécessaire de rapporter ici ce que nous avons dit à ce sujet dans la seconde vue de la nature, volume II, pages 202 et suivantes. « Si on réfléchit à la communication du mouvement par le choc, on sentira bien qu’il ne peut se transmettre d’un corps à un autre que par le moyen du ressort, et l’on reconnaîtra que toutes les hypothèses que l’on a faites sur la transmission du mouvement dans les corps durs ne sont que des jeux de notre esprit, qui ne pourraient s’exécuter dans la nature. Un corps parfaitement dur n’est en effet qu’un être de raison, comme un corps parfaitement élastique n’est encore qu’un autre être de raison ; ni l’un ni l’autre n’existent dans la réalité, parce qu’il n’y existe rien d’absolu, rien d’extrême, et que le mot et l’idée de parfait n’est jamais que l’absolu et l’extrême de la chose.

    » S’il n’y avait point de ressort dans la matière, il n’y aurait donc nulle force d’impulsion : lorsqu’on jette une pierre, le mouvement qu’elle conserve ne lui-a-t-il pas été communiqué par le ressort du bras qui l’a lancée ? Lorsqu’un corps en mouvement en rencontre un autre en repos, comment peut-on concevoir qu’il lui communique son mouvement, si ce n’est en comprimant le ressort des parties élastiques qu’il renferme, lequel se rétablissant immédiatement après la compression, donne à la masse totale la même force qu’il vient de recevoir. On ne comprend point comment un corps parfaitement dur pourrait admettre cette force, ni recevoir du mouvement ; et d’ailleurs il est très inutile de chercher à le comprendre, puisqu’il n’en existe point de tel ; tous les corps, au contraire, sont doués de ressort ; et si nous réfléchissons sur la mécanique du ressort, nous trouverons que sa force dépend elle-même de celle de l’attraction : pour le voir clairement, figurons-nous le ressort le plus simple, un angle solide de fer ou de toute autre matière dure ; qu’arrive-t-il lorsque nous le comprimons ? Nous forçons les parties voisines du sommet de l’angle de fléchir, c’est-à-dire de s’écarter un peu les unes des autres, et, dans le moment que la compression cesse, elles se rapprochent et se rétablissent comme elles étaient auparavant ; leur adhérence, de laquelle résulte la cohésion des corps, est, comme l’on sait, un effet de leur attraction mutuelle. Lorsque l’on presse le ressort, on ne détruit pas cette adhérence, parce que, quoiqu’on écarte les parties, on ne les éloigne pas assez les unes des autres pour les mettre hors de leur sphère d’attraction mutuelle, et par conséquent, dès qu’on cesse de presser, cette force qu’on remet, pour ainsi dire, en liberté, s’exerce, les parties séparées se rap-