Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 1.djvu/91

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

produit des concrétions qui participent de la nature des deux, telles que les marnes, les grès impurs qui se présentent en grandes masses, et aussi les masses plus petites des lapis-lazuli, des zéolithes, des pierres à fusil, des pierres meulières, et de toutes les autres dans lesquelles on peut reconnaître la mixtion de la substance calcaire à la matière vitreuse.

Ces pierres mélangées de matières vitreuses et de substances calcaires sont en très grand nombre, et on les distingue des pierres purement vitreuses ou calcaires, en leur faisant subir l’action des acides ; ils ne font d’abord aucune effervescence avec ces matières, et cependant elles se convertissent à la longue en une sorte de gelée.

La terre végétale, limoneuse et bolaire, dont la substance est principalement composée des détriments des végétaux et des animaux, et qui a retenu une portion du feu contenu dans tous les êtres organisés, a produit des corps ignés et des stalactites phosphorescentes, opaques et transparentes ; et c’est moins par l’intermède de l’eau que par l’action du feu contenu dans le résidu des corps organisés. Ce feu s’est formé des sphères particulières dans lesquelles la terre, l’air et l’eau ne sont entrés qu’en petite quantité ; et ce même feu, s’étant produit avec les acides, a produit les pyrites, et avec les alcalis il a formé les diamants et les pierres précieuses, qui toutes contiennent plus de feu que de toute autre matière.

Et, comme cette terre végétale et limoneuse est toujours mêlée de parties de fer, les pyrites en contiennent une grande quantité, tandis que les spaths pesants, quoique formés par cette même terre, et quoique très denses, n’en contiennent point du tout : ces spaths pesants sont tous phosphorescents, et ils ont plusieurs autres rapports avec les pyrites et les pierres précieuses ; ils sont même plus pesants que le rubis qui, de toutes ces pierres, est la plus dense. Ils conservent aussi plus longtemps la lumière et pourraient bien être la matrice de ces brillants produits de la nature.

Ces spaths pesants sont homogènes dans toute leur substance ; car ceux qui sont transparents, et ceux qu’on réduit à une petite épaisseur, ne donnent qu’une simple réfraction, comme le diamant et les autres pierres précieuses, dont la substance est également homogène dans toutes ses parties.

Les pyrites, formées en assez peu de temps, rendent aisément le feu qu’elles contiennent : l’humidité seule suffit pour le faire exhaler ; mais le diamant et les pierres précieuses, dont la dureté et la texture nous indiquent que leur formation exige un très grand temps, conservent à jamais le feu qu’elles contiennent, ou ne le rendent que par la combustion.

Les principes salins qu’on peut réduire à trois, savoir : l’acide, l’alcali et l’arsenic, produisent, par leur mélange avec les matières terreuses ou métalliques, des concrétions opaques ou transparentes, et forment toutes les substances salines et toutes les minéralisations métalliques.

Les métaux et leurs minerais de première formation, en subissant l’action de l’acide aérien et des sels de la terre, produisent les mines secondaires, dont la plupart se présentent en concrétions opaques, et quelques-unes en stalactites transparentes. Le feu agit sur les métaux comme l’eau sur les sels, mais les cristaux métalliques, produits par le moyen du feu, sont opaques, au lieu que les cristaux salins sont diaphanes ou demi-transparents.

Enfin toutes les matières vitreuses, calcaires, gypseuses, limoneuses, animales ou végétales, salines et métalliques, en subissant la violente action du feu dans les volcans, prennent de nouvelles formes : les unes se subliment en soufre et en sel ammoniac ; les autres s’exhalent en vapeurs et en cendres ; les plus fixes forment les basaltes et les laves, dont les détriments produisent les tripolis, les pouzzolanes, et se changent en argile comme toutes les autres matières vitreuses produites par le feu primitif.

Cette récapitulation présente, en raccourci, la génésie ou filiation des minéraux, c’est-à-dire la marche de la nature, dans l’ordre successif de ses productions dans le règne minéral. Il sera donc facile de s’en représenter l’ensemble et les détails, et de les arranger dorénavant d’une manière moins arbitraire et moins confuse qu’on ne l’a fait jusqu’à présent.