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difiées par le dessèchement, après l’abaissement ou la retraite des eaux, se sont trouvées exposées à l’action de l’air et à toutes les impressions de l’atmosphère et de l’acide aérien qu’il contient : ce premier acide a exercé son action sur toutes les substances vitreuses, calcaires, métalliques et limoneuses.

Les eaux pluviales ont d’abord pénétré la surface des terrains découverts ; elles ont coulé par les fentes perpendiculaires ou inclinées, au bas desquelles les lits d’argile les ont reçues et retenues pour les laisser ensuite paraître en forme de sources, de fontaines, qui toutes doivent leur origine et leur entretien aux vapeurs aqueuses transportées par les vents de la surface des mers sur celle des continents terrestres.

Ces eaux pluviales, et même leurs vapeurs humides, agissant sur la surface ou pénétrant la substance des matières vitreuses ou calcaires, en ont formé de nouveaux corps pierreux. Ces molécules détachées par l’eau se sont réunies, et leur agrégation a produit des stalactites transparentes et opaques, selon que ces mêmes particules pierreuses étaient réduites à une plus ou moins grande ténuité, et qu’elles ont pu se rassembler de plus près par leur homogénéité.

C’est ainsi que le quartz, pénétré et dissous par l’eau, a produit par exsudation les cristaux de roche blancs et les cristaux colorés, tels que les améthystes, cristaux, topazes, chrysolithes et aigues-marines, lorsqu’il s’est trouvé des matières métalliques et particulièrement du fer dans le voisinage ou dans la route de l’eau chargée de ces molécules quartzeuses.

C’est ainsi que le feldspath seul ou le feldspah mêlé de quartz a produit tous les cristaux chatoyants, tels que le saphir d’eau, la pierre de Labrador ou de Russie, les yeux de chat, l’œil de poisson, l’œil de loup, l’aventurine et l’opale, qui nous démontrent, par leur chatoiement et par leur fusibilité, qu’ils tirent leur origine et une partie de leur essence du feldspath pur ou mélangé de quartz.

C’est par les mêmes opérations de nature que le schorl seul ou le schorl mêlé de quartz a produit les émeraudes, les topazes-rubis-saphirs du Brésil, la topaze de Saxe, le béryl, les péridots, les grenats, les hyacinthes et la tourmaline, qui nous démontrent, par leur pesanteur spécifique et par leur fusibilité, qu’ils ne tirent pas leur origine du quartz ni du feldspath seuls, mais du schorl ou du schorl mêlé de l’un ou de l’autre.

Toutes ces stalactites vitreuses, formées par l’agrégation des particules homogènes de ces trois verres primitifs, sont transparentes ; leur substance est entièrement vitreuse, et néanmoins, elle est disposée par couches alternatives de différente densité qui nous sont démontrées par la double réfraction que souffre la lumière en traversant ces pierres. Seulement il est à remarquer que dans toutes, comme dans le cristal de roche, il y a un sens où la lumière ne se partage pas, au lieu que, dans les spaths ou cristaux calcaires, tels que celui d’Islande, la lumière se partage dans quelque sens que ces matières transparentes lui soient présentées.

Le quartz, le feldspath et le schorl, seuls ou mêlés ensemble, ont produit d’autres stalactites moins pures et à demi transparentes, toutes les fois que leurs particules ont été moins dissoutes, moins atténuées par l’eau, et qu’elles n’ont pu se cristalliser par défaut d’homogénéité ou de ténuité. Ces stalactites demi-transparentes sont les agates, cornalines, sardoines, prases et onyx, qui toutes participent beaucoup plus de l’essence du quartz que de celle du feldspath et du schorl : il y en a même plusieurs d’entre elles qu’on ne doit rapporter qu’à la décomposition du quartz seul, le feldspath n’étant point entré dans celles qui n’ont aucun chatoiement, et le schorl ne s’étant mêlé que dans celles dont la pesanteur spécifique est considérablement plus grande que celle du quartz ou du feldspath. D’ailleurs, celles de ces pierres qui sont très réfractaires au feu sont purement quartzeuses ; car elles seraient fusibles si le feldspath ou le schorl était entré dans la composition de leur substance.