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de-Gier, de Saint-Chaumont et de Saint-Berain, des empreintes de plantes, des prêles, des caille-laits, des joncs, dont l’écorce est très connaissable, et qui ont jusqu’à un pouce de diamètre, un fruit qui joue la pomme de pin, des fougères surtout en quantité. J’ai observé, dans les contre-parties de ces fougères, que d’un côté les tiges et les côtes entières étaient en relief et les feuilles en creux, et de l’autre les côtes et les tiges en creux et les feuilles en relief ; quand les schistes où sont ces empreintes sont très micacés, comme dans un morceau que j’ai trouvé à Saint-Berain, on y distingue parfaitement la substance même de la plante et des feuilles, qui y forme une pellicule noire que l’on peut détacher, quoique très mince. J’ai vu dans le Cabinet de M. le Camus, à Lyon, dans un de ces schistes de Saint-Chaumont, un fruit rond de près d’un pouce d’épaisseur, dont la coupe présente trois couches concentriques ; il croit que c’est une espèce de noix vomique[1]. » Toutes ces empreintes végétales achèvent de démontrer la véritable origine des charbons de terre, qui ne sont que des dépôts des bois et autres végétaux dont l’huile s’est, avec le temps, convertie en bitume par son mélange avec les acides de la terre. Mais, lorsque ces végétaux conservent plus ou moins les caractères extérieurs de leur première nature, lorsqu’ils offrent encore presque en entier leur contexture et leur configuration, et que les huiles et autres principes inflammables qu’ils renferment n’ont pas été entièrement changés en bitume, ce ne sont alors que des bois ou végétaux fossiles qui n’ont pas encore toutes les qualités des charbons de terre et qui, par leur état intermédiaire entre ces charbons et le bois ordinaire, sont une nouvelle preuve de l’origine de ces mêmes charbons qu’on ne peut rapporter qu’aux végétaux. On rencontre particulièrement de ces amas ou couches de bois fossile à Hoen et Stockhausen, dans le pays de Nassau ; à Satfeld près de Heiligenbrom[2], dans le pays de Dillembourg en Allemagne, dans la Wétéravie, etc. ; il y en a aussi en France ; on a découvert une de ces forêts souterraines entre Bourg en Bresse et Lons-le-Saunier[3] ; mais ce n’est pas seulement dans quelques contrées particulières qu’on rencontre ces bois fossiles ; on en trouve dans la plupart des terrains qui renferment des charbons de terre, et en une infinité d’autres endroits. Ces bois fossiles ont beaucoup de rapports avec les charbons de terre par leur couleur, par leur disposition en couches, par les terres qui en séparent les différents lits, par les sels qu’on en retire, etc., mais ils en diffèrent par des caractères essentiels : le peu de bitume qu’ils contiennent est moins gras que celui des charbons, leur substance végétale et les matières terreuses qu’ils renferment n’ont presque point été altérées par cette petite quantité de bitume, et enfin ces bois fossiles se rencontrent communément plus près de la surface du terrain que les charbons de terre dont la première organisation a été souvent plus détruite, et dont les huiles ont toutes été converties en bitume.

Les bancs de schiste, d’argile ou de grès, qui renferment et recouvrent les mines de charbons de terre, sont souvent recouverts eux-mêmes, dans les environs des anciens volcans, par des couches de laves qui ne sont quelquefois séparées des charbons que par une petite épaisseur de terre. M. Faujas a fait cette observation auprès du Puy en Velay, auprès de Gensac en Vivarais, à Massarse dans le Nivernais, dans plusieurs endroits de l’Écosse, et particulièrement dans les mines de Glascow et dans celles qui appartiennent au lord Dundonal[4]. Ces laves ne peuvent avoir coulé sur ces couches de charbon qu’après la formation de ces charbons ; et leur recouvrement par la terre qui leur sert de toit les a préservés de l’inflammation qu’aurait produite le contact de la lave en fusion.

  1. Extrait d’une lettre de M. de Morveau à M. le comte de Buffon, en date du 20 novembre 1779.
  2. Du charbon de terre et de ses mines, par M. Morand, p. 8 et 9.
  3. Idem, p. 7 et 8.
  4. Voyez la lettre de M. Faujas, citée ci-dessus.