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CONCRÉTIONS DE L’OR

L’or n’est pas susceptible d’altération dans le sein de la terre, et ne peut être minéralisé que quand, par le concours de circonstances très rares, il a été dissous et ensuite précipité ; on ne doit donc pas être surpris que l’or se présente toujours sous sa forme métallique, soit dans ses mines primordiales, soit dans celles qui sont de formation secondaire ; seulement nous devons observer que, dans les premières, il se montre assez souvent en cristaux[1] comme ayant subi, pendant un long temps et dans un parfait repos, l’action du feu primitif qui le tenait en fusion, au lieu que, dans ses mines de seconde formation, il n’a nulle forme régulière ; ce sont des paillettes, des filets contournés, et souvent capillaires, des grains plus ou moins arrondis, des pépites plus ou moins pures, dans lesquelles le caractère de la cristallisation primitive est entièrement effacé, parce que toutes ne sont composées que des détriments de l’or primordial sublimé, fondu, et quelquefois cristallisé par le feu primitif, et que ces masses primordiales et ces cristaux ayant été frottés, roulés et entraînés par les eaux, n’ont pu conserver leur première figure : ce ne sont en effet que des particules d’or détachées des mines primitives et qui se sont réunies, par leur affinité, sous la forme que leur présentaient les petites cavités où l’eau les déposait. Aussi ne trouve-t-on l’or cristallisé et l’or de première formation que dans les fentes du quartz et des autres roches vitreuses, tandis que l’or en pépites, en grains, en paillettes et en filets, se présente dans les montagnes à couches schisteuses, argileuses ou calcaires, et même dans les terres limoneuses ; on peut donc dire qu’il n’y a point d’autres concrétions de l’or que ces mines de seconde formation dans lesquelles il n’est ni minéralisé, ni même altéré, et je doute que nos minéralogistes soient bien fondés à regarder comme minéralisé l’or qui se trouve dans les pyrites ; car il n’y est qu’interposé ou disséminé en poudre impalpable, sans être altéré : le foie de soufre, à la vérité, peut minéraliser les précipités d’or ; il faudrait donc supposer : 1o du foie de soufre dans ces pyrites, 2o de l’or d’abord dissous dans le sein de la terre, 3o ce même or précipité de sa dissolution ; trois circonstances dont la réunion est si rare qu’on ne doit pas la compter dans le nombre des effets ordinaires de la nature ; et la preuve que l’or n’est qu’interposé, et non minéralisé dans ces substances auxquelles on a donné le nom de pyrites aurifères, c’est que sa substance n’est point altérée, puisqu’en broyant ces pyrites aurifères, on retire, par le lavage ou par la fonte, cet or dans son état métallique.

  1. Quoique l’or natif soit rarement exempt du mélange d’une petite portion d’argent ou de cuivre, cela n’empêche pas qu’il ne soit susceptible d’une forme cristalline bien déterminée, qui, pour l’ordinaire, est l’octaèdre rectangle aluminiforme en petits cristaux, quelquefois solitaires, mais le plus souvent implantés les uns sur les autres, ou ramifiés en façon de dendrites, et ces dendrites ressemblent à celles que l’on obtient de l’or en fusion… Il est plus ordinaire de rencontrer ces cristaux ramifiés en dendrites, ou rassemblés en feuilles minces et flexibles, dont la superficie est hérissée de petites éminences triangulaires, qui ne sont que les extrémités ou les angles solides des petits cristaux dont ces lames sont composées ; d’autres fois, ces lames sont parfaitement lisses ou réticulées, et elles sont tantôt posées de champ, tantôt superficielles et couchées, ou bien diversement inclinées sur la roche quartzeuse qui leur sert de gangue… L’or natif se rencontre aussi dispersé dans les mêmes gangues en petits grumeaux de figure indéterminée, ou bien il s’élève à leur superficie sous la forme de pointes et de rameaux contournés, plus ou moins longs, et souvent très déliés… Celui qu’on trouve, soit en filets capillaires, soit en petites lames contournées, paraît devoir son origine à la décomposition des pyrites aurifères, qui souvent l’accompagnent. Cristallographie, par Romé de Liste, t. III, p. 474 et suiv.