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l’on ne peut regarder ces pierres comme des cristaux vitreux, d’autant qu’elles n’ont, comme le diamant et le vrai rubis, qu’une simple réfraction ; elles ont seulement moins de densité, et ressemblent à cet égard au diamant dont la pesanteur spécifique est moindre que celle de ces cinq pierres précieuses du premier rang, et même au-dessous de celle du rubis spinelle et du rubis balais. Le diamant et les pierres précieuses, que nous venons d’indiquer, sont composés de lames très minces, appliquées les unes sur les autres plus ou moins régulièrement ; et c’est encore un caractère qui distingue ces pierres des cristaux dont la texture n’est jamais lamelleuse.

Nous avons déjà observé que des trois couleurs rouge, jaune et bleue dont sont teintes les pierres précieuses, le rouge est la plus fixe : aussi le rubis spinelle, qui est d’un rouge profond, ne perd pas plus sa couleur au feu que le vrai rubis, tandis qu’un moindre degré de chaleur fait disparaître le jaune des topazes, et surtout le bleu des saphirs.

Les rubis balais se trouvent quelquefois en assez gros volume : j’en ai vu trois en 1742, dans le garde-meuble du roi, qui étaient d’une forme quadrangulaire, et qui avaient près d’un pouce en carré sur sept à huit lignes d’épaisseur. Robert de Berquen en cite un qui était encore plus gros[1]. Ces rubis, quoique très transparents, n’ont point de figure déterminée ; cependant leur cristallisation est assez régulière : ils sont, comme le diamant, cristallisés en octaèdre ; mais soit qu’ils se présentent en gros ou en petit volume, il est aisé de reconnaître qu’ils ont été frottés fortement et longtemps dans les sables des torrents et des rivières où on les trouve ; car ils sont presque toujours en masses assez irrégulières, avec les angles émoussés et les arêtes arrondies.


TOPAZE, SAPHIR ET GIRASOL

Je mets ensemble ces trois pierres que j’aurais même pu réunir au rubis et à la vermeille, leur essence, comme je l’ai dit, étant la même, et parce qu’elles ne diffèrent entre elles que par les couleurs : celles-ci, comme le diamant, le rubis et la vermeille, n’offrent qu’une simple réfraction ; leur substance est donc également homogène, leur dureté et leur densité sont presque égales[2] ; d’ailleurs il s’en trouve qui sont moitié topaze et moitié saphir, et d’autres qui sont tout à fait blanches ; en sorte que la couleur jaune ou bleue n’est qu’une teinture accidentelle qui ne produit aucun changement dans leur essence[3] ; ces parties colorantes jaunes et bleues sont si ténues, si volatiles, qu’on peut les faire disparaître en chauffant les topazes et les saphirs dont ces couleurs n’augmentent pas sensiblement la densité ; car le saphir blanc pèse spécifiquement, à très peu près, autant que le

  1. On tient que le rubis naît dans l’île de Ceylan, et que ce sont les plus grands ; et quant aux plus petits, dans Calicut, la Camboye et Bisnagar ; mais les très fins dans les fleuves du Pégu… L’empereur Rodolphe II, selon le récit d’Anselme Boëce, son médecin, en avait un de la grosseur d’un petit œuf de poule, qu’il avait hérité de sa sœur Élisabeth, veuve du roi Charles IX, lequel il dit avoir été acheté autrefois soixante mille ducats. Merveilles des Indes, par Robert de Berquen, chap. iv, article Rubis, p. 24.
  2. La pesanteur spécifique de la topaze orientale est de 40 106 ; celle du saphir oriental de 39 941, et celle du girasol de 40 000. Tables de M. Brisson.
  3. On prétend même qu’en choisissant dans les saphirs ceux qui n’ont qu’une teinte assez légère de bleu, et en les faisant chauffer assez pour faire évanouir cette couleur, ils prennent un éclat plus vif en devenant parfaitement blancs, et que dans cet état ce sont les pierres qui approchent le plus du diamant ; cependant il est toujours aisé de les distinguer par leur force de réfraction, qui n’approche pas de celle du diamant.