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Le diamant, le rubis, la vermeille, la topaze, le saphir et le girasol sont les seules pierres précieuses du premier rang ; on peut y ajouter les rubis spinelle et balais, qui en diffèrent par la texture et par la densité : toutes ces pierres et ces pierres seules avec les spaths pesants n’ont qu’une seule réfraction ; toutes les autres substances transparentes, de quelque nature qu’elles soient, sont certainement moins homogènes, puisque toutes donnent de doubles réfractions.

Mais on pourrait réduire dans le réel ces huit espèces nominales à trois : savoir, le diamant, la pierre d’Orient et le rubis spinelle ; car nous verrons que l’essence du rubis d’Orient, de la vermeille, de la topaze, du saphir et du girasol est la même, et que ces pierres ne diffèrent que par deux qualités extérieures.

Ces pierres précieuses ne se trouvent que dans les régions les plus chaudes des deux continents, en Asie dans les îles et presqu’îles des Indes orientales[1] ; en Afrique à Madagascar et en Amérique, dans les terres du Brésil.

Les voyageurs conviennent unanimement que les rubis d’un volume considérable, et particulièrement les rubis balais, se trouvent dans les terres et les rivières du royaume de Pégu[2], de Camboye, de Visapour, de Golconde, de Siam, de Lahor[3], ainsi que dans quelques autres contrées des Indes méridionales ; et, quoiqu’ils ne citent en Afrique que les pierres précieuses de Madagascar[4], il est plus que probable qu’il en existe, ainsi que des diamants, dans le continent de cette partie du monde, puisqu’on a trouvé des diamants en Amérique, au Brésil où la terre est moins chaude que dans les parties équatoriales de l’Afrique.

Au reste, les pierres connues sous le nom de rubis au Brésil ne sont, comme nous l’avons dit, que des cristaux vitreux construits par le schorl ; il en est de même des topazes,

  1. Il y a dans le royaume de Ceita-Vacca, de Candy, d’Uva et de Cotta, beaucoup de mines très riches ; on en tire des rubis, des saphirs, des topazes d’une grandeur considérable, et on en a trouvé quelques-uns qui ont été vendus vingt mille crusades. Histoire de Ceylan, par le capitaine Ribeyro ; Trévoux, 1701, p. 17. — Il y a dans l’île de Ceylan quelques rivières où l’on trouve plusieurs pierres précieuses que les torrents entraînent ; les Mores mettent des filets dans le courant des eaux pour les arrêter, et ordinairement, quand ils les retirent, ils trouvent des topazes, des rubis et des saphirs qu’ils envoient en Perse, en échange d’autres marchandises. On trouve dans les terres de petits diamants, mais non pas en si grande quantité ni de si haut prix qu’au royaume de Golconde, qui n’est pas beaucoup éloigné de Ceylan. Voyages d’Inigo de Biervillas à la côte de Malabar ; Paris, 1736, première partie, p. 166.
  2. Édouard Barbosa, qui nous a donné un Traité de ce qu’il a remarqué de plus considérable dans les Indes et de plus grand commerce, s’arrête particulièrement à décrire les différentes pierreries que l’on tire de ce pays-là ; il donne le moyen de les connaître, il marque les lieux où on les trouve et la valeur de chacune : il commence par les rubis, et il prétend que les meilleurs et les plus fins se trouvent dans la rivière de Pégu ; il dit qu’un rubis du Pégu fin et parfait, pesant 12 carats, ne valait pas de son temps plus de 160 écus d’or ; et il estime ceux de Ceylan du même poids, 200 écus d’or ; et il y en a à Ceylan, pesant 16 carats, qu’il prise 600 écus d’or : il ne marque pas qu’il y en ait de ce poids dans le Pégu, mais il paraît que les beaux rubis ne se trouvent pas si communément dans l’île de Ceylan. Voici comme on les éprouve : lorsqu’on a apporté un rubis d’une grosseur considérable au roi, il fait venir les joailliers, qui lui disent que ce rubis peut souffrir le feu à tel degré, et tant de temps, selon la bonté dont il est, car ces joailliers ne se trompent guère : on le jette dans le feu, on l’y laisse le temps qu’ils ont marqué, et, lorsqu’on le retire, s’il a bien souffert le feu, et s’il a une couleur plus vive, on l’estime beaucoup plus que ceux du Pégu. Histoire de Ceylan, par Jean Ribeyro ; Trévoux, 1701, p. 164 et suiv.
  3. Histoire du Japon, par Kæmpfer, t. Ier, p. 23. — Histoire du royaume de Siam, par Nicolas Gervaise, p. 296.
  4. Voyage à Madagascar, par Flacourt, p. 44.