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des diamants qui, quoique de la même essence que les autres, ne peuvent être polis et taillés que très difficilement : on leur donne le nom de diamants de nature ; leur texture par lames courbes fait qu’ils ne présentent aucun sens dans lequel on puisse les entamer régulièrement[1].


RUBIS ET VERMEILLE

Quoique la densité du rubis[NdÉ 1] soit de près d’un sixième plus grande que celle du diamant, et qu’il résiste plus fortement et plus longtemps à l’action du feu, sa dureté et son homogénéité ne sont pas, à beaucoup près, égales à celles de cette pierre unique en son genre et la plus parfaite de toutes : le rubis contient moins de feu fixe que le diamant, il est moins combustible, et sa substance, quoique simple, puisqu’il ne donne qu’une seule réfraction, est néanmoins tissue de parties plus terreuses et moins ignées que celles du diamant. Nous avons dit que les couleurs étaient une sorte d’imperfection dans l’essence des pierres transparentes, et même dans celle des diamants : le rubis, dont le rouge est très intense, a donc cette imperfection au plus haut degré, et l’on pourrait croire que les parties métalliques qui se sont uniformément distribuées dans sa substance lui ont donné non seulement cette forte couleur, mais encore ce grand excès de densité sur celle du diamant, et que ces parties métalliques n’étant point inflammables ni parfaitement homogènes avec la matière transparente qui fait le fond de la substance du rubis, elles l’ont rendu plus pesant et, en même temps, moins combustible et moins dur que le diamant ; mais l’analyse chimique a démontré que le rubis ne contient point de parties métalliques fixes

    sans ordre et sans grâce, sinon quelques faces au hasard, irrégulières et mal polies, tels enfin que la nature les produit et qu’ils se voient encore aujourd’hui sur les vieilles châsses et reliquaires de nos églises. Ce fut dans le xve siècle que Louis de Berquen, natif de Bruges, trouva la manière de polir les diamants : d’abord il mit deux diamants sur le ciment, et après les avoir esgruisés l’un contre l’autre, il vit manifestement que par le moyen de la poudre qui en tombait et l’aide du moulin, avec certaines roues de fer qu’il avait inventées, il pourrait venir à bout de les polir parfaitement, même de les tailler en telle manière qu’il voudrait. En effet, il l’exécuta si heureusement depuis, que cette invention, dès sa naissance, eut tout le crédit qu’elle a eu depuis, qui est l’unique que nous ayons aujourd’hui.

    Au même temps, Charles, dernier duc de Bourgogne, à qui on en avait fait récit, lui mit trois gros diamants entre les mains pour les tailler. Il les tailla dès aussitôt, l’un épais, l’autre faible et le troisième en triangle, et il y réussit si bien que le duc, ravi de cette invention, lui donna trois mille ducats de récompense : puis ce prince, comme il les trouvait tout à fait beaux et rares, fit présent de celui qui était faible au pape Sixte IV, et de celui en forme d’un triangle et d’un cœur réduit dans un anneau et tenu de deux mains, pour symbole de foi, au roi Louis XI, duquel il recherchait alors la bonne intelligence ; et quant au troisième qui était de pierre espoisse, il le garda pour soi et le porta toujours au doigt, en sorte qu’il l’y avait encore quand il fut tué devant Nancy, un an après qu’il les eut fait tailler ; savoir, est en l’année 1477. Merveilles des Indes orientales et occidentales, par Robert de Berquen, article Diamant, chap. II, p. 12 et suiv.

  1. On appelle diamants de nature ceux qui sont cristallisés en forme curviligne et presque globuleuse ; leur plus grande dureté se trouve au point d’intersection des lignes circulaires : ces diamants de nature prennent difficilement le poli. Cristallographie de M. Romé de Lisle, t. II, p. 198.
  1. Le rubis oriental ou Corindon est composé d’alumine Al²O³ mélangée d’oxyde de fer, de chrome ou de titane.