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plus de diamants qu’on approche de plus près de la montagne, et néanmoins, on n’y en trouve plus aucun dès qu’on monte trop haut ; les diamants se trouvent en ce lieu presqu’à la surface de la terre[1]. » Il dit aussi que le lieu où l’on a le plus anciennement trouvé des diamants est au royaume de Bengale, auprès du bourg de Soonelpour, situé sur la rive de la Gouil, et que c’est dans le limon et les sables de cette rivière que l’on recueille ces pierres précieuses ; on ne fouille ce sable qu’à la profondeur de deux pieds, et néanmoins c’est de cette rivière que viennent les diamants de la plus belle eau ; ils sont assez petits, et il est rare qu’on y en trouve d’un grand volume : il a observé qu’en général les diamants colorés tirent leur teinture du sol qui les produit.

Dans un autre lieu du royaume de Golconde, on a trouvé des diamants en grande quantité ; mais, comme ils étaient tous roux, bruns ou noirs, la recherche en a été négligée, et même défendue : on trouve encore de beaux diamants dans le limon d’une rivière de l’île de Bornéo ; ils ont le même éclat que ceux de la rivière de Gouil, ou des autres qu’on tire de la terre au Bengale et à Golconde[2].

On comptait, en 1678, vingt-trois mines, c’est-à-dire vingt-trois lieux différents d’où l’on tire des diamants au seul royaume de Golconde ; et dans tous, la terre où ils se trouvent est jaunâtre ou rougeâtre comme notre terre limoneuse : les diamants y sont isolés et très rarement groupés deux ou trois ensemble ; ils n’ont point de gangue ou matrice particulière, et sont seulement environnés de cette terre ; il en est de même dans tous les autres lieux où l’on tire des diamants, au Malabar, à Visapour, au Bengale, etc. ; c’est toujours dans les sables des rivières ou dans la première couche du terrain, ainsi que dans les fentes des rochers remplies de terre limoneuse que gisent les diamants, tous isolés et jamais attachés, comme les cristaux, à la surface du rocher ; quelquefois ces veines de terre limoneuse qui remplissent les fentes des rochers descendent à une profondeur de plusieurs toises, comme nous le voyons dans nos rochers calcaires ou même dans ceux de grès, et dans les glaises dont la surface extérieure est couverte de terre végétale : on suit donc ces veines perpendiculaires de terre limoneuse qui produisent des diamants jusqu’à cette profondeur ; et l’on a observé que, dès qu’on trouve l’eau, il n’y a plus de diamants, parce que la veine de terre limoneuse se termine à cette profondeur.

  1. Il n’y a qu’environ cent ans que cette mine a été découverte, et ce fut par un pauvre homme, qui, bêchant un bout de terre où il voulait semer du millet, trouva une pointe naïve pesant à peu près 25 carats ; cette sorte de pierre lui étant inconnue et lui voyant quelque éclat, il la porta à Golconde, et, par bonheur pour lui, il la porta à une personne qui faisait négoce de diamants. Ce négociant, ayant su du paysan le lieu où il avait trouvé la pierre, fut tout surpris de voir un diamant d’un tel poids, vu qu’auparavant les plus grands que l’on voyait étaient au plus de 10 à 12 carats. Le bruit de cette nouvelle découverte se répandit bientôt dans tout le pays, et quelques-uns du bourg, qui avaient bonne bourse, commencèrent à faire fouiller dans la terre, où ils trouvèrent et où l’on trouve encore de grandes pierres en plus grande quantité que dans aucune autre mine : il se trouve, dis-je, à présent en celle-ci quantité de pierres depuis 10 jusqu’à 40 carats, et même quelquefois de bien plus grandes ; entre autres, le grand diamant qui pesait 90 carats avant que d’être taillé, dont Mirgimola fit présent à Aurang-zeb, comme je l’ai dit ailleurs, avait été tiré de cette mine.

    Mais si cette mine de Couloux est considérable pour la quantité des grandes pierres que l’on y trouve, le mal est que d’ordinaire ces pierres ne sont pas nettes et que leurs eaux tiennent de la qualité du terroir où elles se trouvent ; si ce terroir est marécageux et humide, la pierre tire sur le noir ; s’il est rougeâtre, elle tire sur le rouge, et ainsi des autres endroits, tantôt sur le vert, tantôt sur le jaune, d’autant que du bourg à la montagne il y a diversité de terroirs : sur la plupart de ces pierres, après qu’elles sont taillées, il paraît toujours comme une espèce de graisse qui fait qu’on porte incessamment la main au mouchoir pour l’essuyer. Voyages de Tavernier, t. IV, liv. ii, p. 17 et suiv.

  2. Voyages de Tavernier, t. IV, liv. ii, p. 17 et suiv.