Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 1.djvu/20

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
 Les corrections sont expliquées en page de discussion

leur donner d’autre origine, d’autre matrice que la terre limoneuse qui, rassemblant les débris des autres matières et n’étant principalement composée que du détriment des êtres organisés, a pu seule former des corps pleins de feu, tels que les pyrites, les spaths pesants, les diamants et autres concrétions phosphoriques, brillantes et précieuses ; et ce qui vient victorieusement à l’appui de cette vérité, c’est le fait bien avéré du phosphorisme et de la combustion du diamant. Toute matière combustible ne provient que des corps organisés ou de leurs détriments ; et dès lors, le diamant, qui s’imbibe de lumière et qu’on a été forcé de mettre au nombre des substances combustibles, ne peut provenir que de la terre végétale, qui seule contient les débris combustibles des corps organisés[NdÉ 1].

J’avoue que la terre végétale et limoneuse est encore plus impure et moins simple que les matières vitreuses, calcaires et métalliques ; j’avoue qu’elle est le réceptacle général et commun des poussières de l’air, de l’égout des eaux et de tous les détriments des métaux et des autres matières dont nous faisons usage ; mais le fonds principal qui constitue son essence n’est ni métallique, ni vitreux, ni calcaire, il est plutôt igné : c’est le résidu, ce sont les détriments des animaux et des végétaux dont sa substance est spécialement composée, elle contient plus de feu fixe qu’aucune autre matière. Les bitumes, les huiles, les graisses, toutes les parties des animaux et des végétaux qui se sont converties en tourbe, en charbon, en limon, sont combustibles parce qu’elles proviennent des corps organisés. Le diamant, qui de même est combustible, ne peut donc provenir que de cette même terre végétale d’abord animée de son propre feu, et ensuite aidée d’un surplus de chaleur qui n’existe actuellement que dans les terres de la zone torride.

Les diamants, le rubis, la topaze et le saphir sont les seules vraies pierres précieuses, puisque leur substance est parfaitement homogène, et qu’elles sont en même temps plus dures et plus denses que toutes les autres pierres transparentes : elles seules, par toutes ces qualités réunies, méritent cette dénomination ; elles ne peuvent provenir des matières vitreuses, et encore moins des substances calcaires ou métalliques, d’où l’on doit conclure par exclusion, et indépendamment de toutes nos preuves positives, qu’elles ne doivent leur origine qu’à la terre limoneuse, puisque toutes les autres matières n’ont pu les produire.


DIAMANT

J’ai cru pouvoir avancer et même assurer, quelque temps avant qu’on en eût fait l’épreuve[1], que le diamant était une substance combustible : ma présomption était fondée sur ce qu’il n’y a que les matières inflammables qui donnent une réfraction plus forte que les autres relativement à leur densité respective ; la réfraction de l’eau, du verre et des autres matières transparentes, solides ou liquides, est toujours, et dans toutes, proportionnelle à leur densité, tandis que dans le diamant, les huiles, l’esprit-de-vin et les autres substances solides ou liquides qui sont inflammables ou combustibles, la réfraction est toujours beaucoup plus grande relativement à leur densité. Mon opinion, au sujet de la nature du diamant, quoique fondée sur une analogie aussi démonstrative, a été contredite jusqu’à ce que l’on ait vu le diamant brûler et se consumer en entier au foyer du miroir ardent. La main n’a donc fait ici que confirmer ce que la vue de l’esprit avait aperçu ; et ceux

  1. T. II, article de la Lumière, de la Chaleur et du Feu.
  1. Le diamant est du carbone pur ; quant à son origine, elle est aussi obscure que possible. [Note de Wikisource : On a aujourd’hui une vision assez complète de la formation du diamant ; disons tout net qu’elle ne correspond en rien à l’hypothèse de Buffon. Le diamant est formé dans le manteau terrestre, à plus de 150 km de profondeur, dans des veines où circulent des fluides carbonés, il y a plus de 2,5 milliards d’années. Ce ne sont que lorsque les diamants sont amenés à la surface très rapidement, c’est-à-dire très exceptionnellement, qu’ils atteignent la surface sans se convertir en graphite, seule forme du carbone pur stable à des profondeurs moindres, d’où leur rareté.]