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ne donnent qu’une simple réfraction : d’après ces caractères qu’on n’avait pas saisis, quoique très essentiels, et mettant pour un moment le diamant à part, nous nous croyons fondé à réduire les vraies pierres précieuses aux variétés suivantes : savoir, le rubis proprement dit, le rubis balais, le rubis spinelle, la vermeille, la topaze, le saphir et le girasol : ces pierres sont les seules qui n’offrent qu’une simple réfraction ; le balais n’est qu’un rubis d’un rouge plus clair, et le spinelle un rubis d’un rouge plus foncé : la vermeille n’est aussi qu’un rubis dont le rouge est mêlé d’orangé, et le girasol un saphir dont la transparence est nébuleuse, et la couleur bleue teinte d’une nuance de rouge : ainsi les rubis, topazes et saphirs n’ayant qu’une simple réfraction et étant en même temps d’une densité beaucoup plus grande que les extraits des verres primitifs, on doit les séparer des matières transparentes vitreuses et leur donner une tout autre origine.

Et, quoique le grenat et l’hyacinthe approchent des pierres précieuses par leur densité, nous n’avons pas cru devoir les admettre dans leur nombre, parce que ces pierres sont fusibles et qu’elles ont une double réfraction assez sensible pour démontrer que leur substance n’est point homogène, et qu’elles sont composées de deux matières d’une densité différente ; leur substance paraît aussi être mêlée de parties métalliques : on pourra me dire que les rubis, topazes, saphirs, et même les diamants colorés ne sont teints, comme le grenat et l’hyacinthe, que par les parties métalliques qui sont entrées dans leur composition ; mais nous avons déjà démontré que ces molécules métalliques, qui colorent les cristaux et autres pierres transparentes, sont en si petite quantité que la densité de ces pierres n’en est point augmentée ; il en est de même des diamants de couleur, leur densité est la même que celle des diamants blancs ; et ce qui prouve que dans les hyacinthes et les grenats les parties hétérogènes et métalliques sont en bien plus grande quantité que dans ces pierres précieuses, c’est qu’ils donnent une double réfraction : ces pierres sont donc réellement composées de deux matières de densité différente, et elles auront reçu non seulement leur teinture comme les autres pierres de couleur, mais aussi leur densité et leur double réfraction par le mélange d’une grande quantité de particules métalliques. Nos pierres précieuses blanches ou colorées n’ont au contraire qu’une seule réfraction, preuve évidente que la couleur n’altère pas sensiblement la simplicité de leur essence : la substance de ces pierres est homogène dans toutes ses parties ; elle n’est pas composée de couches alternatives de matière plus ou moins dense, comme celle des autres pierres transparentes, qui toutes donnent une double réfraction.

La densité de l’hyacinthe, quoique moindre que celle du grenat, surpasse encore la densité du diamant ; on pourrait donc mettre l’hyacinthe au rang des pierres précieuses, si sa réfraction était simple et aussi forte que celle de ces pierres ; mais elle est double et faible, et d’ailleurs sa couleur n’est pas franche : ainsi ces imperfections indiquent assez que son essence n’est pas pure. On doit observer aussi que l’hyacinthe ne brille qu’à sa surface et par la réflexion de la lumière, tandis que les vraies pierres précieuses brillent encore plus par la réfraction intérieure que par le reflet extérieur de la lumière : en général, dès que les pierres sont nuageuses et même chatoyantes, leurs reflets de couleurs ne sont pas purs, et l’intensité de leur lumière réfléchie ou réfractée est toujours faible, parce qu’elle est plutôt dispersée que rassemblée.

On peut donc assurer que le premier caractère des vraies pierres précieuses est la simplicité de leur essence ou l’homogénéité de leur substance qui se démontre par leur réfraction toujours simple, et que les deux autres caractères, qu’on doit réunir au premier, sont leur densité et leur dureté beaucoup plus grandes que celles d’aucun des verres ou matières vitreuses produites par la nature : on ne peut donc pas soutenir que ces pierres précieuses tirent leur origine, comme les cristaux, de la décomposition de ces verres primitifs, ni qu’elles en soient des extraits ; et certainement elles proviennent encore moins de la décomposition des spaths calcaires dont la densité est à peu près la même que celle