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raison de ses expériences, il paraît que plus un aimant est vigoureux par sa nature, mieux il reçoit et conserve ce surcroît de force.

L’action du feu ne fait donc que diminuer ou suspendre la vertu magnétique, et concourt même quelquefois à l’augmenter ; cependant la percussion, qui produit toujours de la chaleur lorsqu’elle est réitérée, semble détruire cette force en entier ; car, si l’on frappe fortement, et par plusieurs coups successifs, une lame de fer aimantée, elle perdra sa vertu magnétique, tandis qu’en frappant de même une semblable lame non aimantée, celle-ci acquerra, par cette percussion, d’autant plus de force magnétique que les coups seront plus forts et plus réitérés ; mais il faut remarquer que la percussion, ainsi que l’action du feu, qui semble détruire la vertu magnétique, ne font que la changer ou la chasser, pour en substituer une autre, puisqu’elles suffisent pour aimanter le fer qui ne l’est pas ; elles ôtent donc au fer aimanté la force communiquée par l’aimant, et en même temps y portent et lui substituent une nouvelle force magnétique, qui devient très sensible lorsque la percussion est continuée ; le fer perd la première et acquiert la seconde, qui est souvent plus faible et moins durable : il arrive ici le même effet, à peu près, que quand on passe sur un aimant faible du fer aimanté par un aimant fort : ce fer perd la grande force magnétique qui lui avait été communiquée par l’aimant fort, et il acquiert en même temps la petite force que peut lui donner l’aimant faible.

Si l’on met dans un vase de la limaille de fer et qu’on la comprime assez pour en faire une masse compacte, à laquelle on donnera la vertu magnétique en l’appliquant ou la frottant contre l’aimant, elle la recevra comme toute autre matière ferrugineuse ; mais cette même limaille de fer comprimée, qui a reçu la vertu magnétique, perdra cette vertu des qu’elle ne fera plus masse et qu’elle sera réduite au même état pulvérulent où elle était avant d’avoir été comprimée. Il suffit donc de changer la situation respective des parties constituantes de la masse pour faire évanouir la vertu magnétique ; chacune des particules de limaille doit être considérée comme une petite aiguille aimantée, qui dès lors a sa direction et ses pôles. En changeant donc la situation respective des particules, leurs forces attractives et directives seront changées et détruites les unes par les autres : ceci doit s’appliquer à l’effet de la percussion, qui, produisant un changement de situation dans les parties du fer aimanté, fait évanouir sa force magnétique. Cela nous démontre aussi la cause d’un phénomène qui a paru singulier et assez difficile à expliquer.

Si l’on met une pierre d’aimant au-dessus d’une quantité de limaille de fer que l’on agitera sur un carton, cette limaille s’arrangera, en formant plusieurs courbes séparées les unes des autres et qui laissent deux vides aux endroits qui correspondent aux pôles de la pierre ; on croirait que ces vides sont occasionnés par une répulsion qui ne se fait que dans ces deux endroits, tandis que l’attraction s’exerce sur la limaille dans tous les autres points ; mais, lorsqu’on présente l’aimant sur la limaille de fer sans la secouer, ce sont, au contraire, les pôles de la pierre qui toujours s’en chargent le plus. Ces deux

    moyen du dernier aimant dont je viens de parler, que l’augmentation de force obtenue par ma méthode était assez durable et ne se dissipait pas facilement, car ce second aimant n’avait encore rien perdu de sa vigueur au bout de six mois. »

    M. Æpinus croit qu’on pourrait augmenter encore plus la vigueur des aimants par la cémentation, qui leur donnerait plus de qualité que la simple torréfaction au feu nu. Il propose de tailler en parallélipipèdes les aimants tirés immédiatement de la mine, en leur donnant le plus de longueur qu’il se pourra, pour les cémenter au feu et les plonger ensuite dans l’eau froide ; après quoi, il propose de les placer entre deux ou plusieurs barres d’acier aimantées, et de les frotter avec deux aimants artificiels, suivant la méthode du double contact. Il faudra aussi les armer, après avoir choisi pour pôles les points les plus éloignés l’un de l’autre. Ces aimants présenteront alors la plus grande force magnétique qu’ils puissent comporter. Æpinus, nos 359, 360 et 362.