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et du fer en différents endroits, même assez éloignés, on peut produire des effets qui paraissent merveilleux, parce qu’ils s’opèrent à quelque distance, sans action apparente d’aucune matière intermédiaire ni d’aucun mouvement communiqué.

Les anciens n’ont connu que cette première propriété de l’aimant ; ils savaient que le fer, de quelque côté qu’on le présente, est toujours attiré par l’aimant ; ils n’ignoraient pas que deux aimants présentés l’un à l’autre s’attirent ou se repoussent. Les physiciens modernes ont démontré que cette attraction et cette répulsion entre deux aimants sont égales, et que la plus forte attraction se fait lorsqu’on présente directement les pôles de différent nom, c’est-à-dire le pôle austral d’un aimant au pôle boréal d’un autre aimant ; et que de même la répulsion est la plus forte quand on présente l’un à l’autre les pôles de même nom. Ensuite ils ont cherché la loi de cette attraction et de cette répulsion, et ils ont reconnu qu’au lieu d’être comme la loi de l’attraction universelle, en raison inverse du carré de la distance, cette attraction et cette répulsion magnétiques ne décroissent pas même autant que la distance augmente[1] ; mais, lorsqu’ils ont voulu graduer l’échelle de cette loi, ils y ont trouvé tant d’inconstance et de si grandes variations, qu’ils n’ont pu déterminer aucun rapport fixe, aucune proportion suivie entre les degrés de puissance de cette force attractive, et les effets qu’elle produit à différentes distances : tout ce qu’ils ont pu conclure d’un nombre infini d’expériences, c’est que la force attractive de l’aimant décroît proportionnellement plus dans les grandes que dans les petites distances[NdÉ 1].

Nous venons de dire que les aimants ne sont pas tous d’égale force, à beaucoup près ; que plus les pierres d’aimant sont grosses, moins elles ont de force attractive relativement à leur volume, et qu’elles en ont d’autant plus qu’elles sont plus pesantes à volume égal ; mais nous devons ajouter que les aimants les plus puissants ne sont pas toujours les plus généreux, en sorte que quelquefois ces aimants plus puissants ne communiquent pas au fer autant de leur vertu attractive que des aimants plus faibles et moins riches, mais en même temps moins avares de leur propriété.

La sphère d’activité des aimants faibles est moins étendue que celle des aimants forts ; et, comme nous l’avons dit, la force attractive des uns et des autres décroît beaucoup plus dans les grandes que dans les petites distances ; mais dans le point de contact, cette force, dont l’action est très inégale à toutes les distances dans les différents aimants, produit alors un effet moins inégal dans l’aimant faible et dans l’aimant fort, de sorte qu’il faut employer des poids moins inégaux pour séparer les aimants forts et les aimants faibles, lorsqu’ils sont unis au fer ou à l’aimant par un contact immédiat.

Le fer attire l’aimant autant qu’il en est attiré : tous deux, lorsqu’ils sont en liberté, font la moitié du chemin pour s’approcher ou se joindre. L’action et la réaction sont ici parfaitement égales ; mais un aimant attire le fer de quelque côté qu’on le présente, au lieu qu’il n’attire un autre aimant que dans un sens et qu’il le repousse dans le sens opposé.

La limaille de fer est attirée plus puissamment par l’aimant que la poudre même de la pierre d’aimant, parce qu’il y a plus de parties ferrugineuses dans le fer forgé que dans

  1. Musschenbroëck, Dissertatio de magnete, p. 16 et suiv. Pour connaître la loi de cette attraction, ce physicien s’est servi d’aimants de forme ronde, et, par une balance très mobile, il a mesuré l’effet de cette force à toutes distances, depuis une demi-ligne jusqu’à plusieurs pouces : en comparant les résultats d’un très grand nombre d’expériences, il a vu que cette force attractive des aimants sphériques, non seulement ne diminuait pas comme celle de l’attraction universelle, en raison inverse du carré de la distance, mais que la diminution de cette force magnétique n’est pas même en raison inverse de la simple distance.
  1. La vérité est que les répulsions et attractions magnétiques varient comme l’attraction universelle, en raison inverse du carré de la distance.