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Les fortes étincelles électriques revivifient les chaux de fer, et leur rendent la propriété d’être attirées par l’aimant[1]. Les foudres souterraines et aériennes revivifient de même, à l’intérieur et à la surface de la terre, une prodigieuse quantité de matières ferrugineuses, réduites en chaux par les éléments humides.

La plupart des schorls, et particulièrement la tourmaline, présentent des phénomènes électriques qui ont la plus grande analogie avec ceux de l’aimant[2]. Lorsque ces matières ont été chauffées ou frottées, elles ont, pour ainsi dire, des parties polaires dont les unes sont électrisées en plus et les autres en moins, et qui attirent ou repoussent les corps électrisés.

Les aurores polaires qui, comme nous l’avons dit, ne sont que des lumières électriques, influent plus qu’aucune autre affection de l’atmosphère sur les variations de l’aiguille aimantée. Les observations de MM. Vanswsinden et de Cassini ne permettent plus de douter de ce fait[3].

Les personnes dont les nerfs sont délicats, et sur lesquelles l’électricité agit d’une manière si marquée, reçoivent aussi du magnétisme des impressions assez sensibles ; car l’aimant peut, en certaines circonstances, suspendre et calmer les irritations nerveuses, et apaiser les douleurs aiguës. L’action de l’aimant, qui, dans ce cas, est calmante et même engourdissante, semble arrêter le cours et fixer pour un temps le mouvement trop rapide ou déréglé des torrents de ce fluide électrique qui, quand il est sans frein, ou se trouve sans mesure dans le corps animal, en irrite les organes et l’agite par des mouvements convulsifs.

Il existe des animaux dans lesquels, indépendamment de l’électricité vitale qui appartient à tout être vivant, la nature a établi un organe particulier d’électricité, et, pour

  1. Voyez, sur ce sujet, un Mémoire de M. le comte de Milly, lu à l’Académie des sciences, et celui que M. Vansmarum vient de publier.
  2. Voyez la dissertation de M. Æpinus, dans les Mémoires de l’Académie de Berlin, année 1756.
  3. Voyez l’ouvrage de M. Wanswinden, intitulé : De l’analogie de l’électricité et du magnétisme, dans lequel cet excellent observateur a prouvé que les variations extraordinaires des aiguilles aimantées, les perturbations dans leurs variations diurnes, et même quelques changements assez constants dans leurs déclinaisons, ne sont jamais plus grands que dans le temps où paraissent les aurores boréales ; M. le comte de Cassini, de l’Académie des sciences, a observé avec une aiguille aimantée, suivant la méthode de M. Coulomb, que la variation diurne n’était ordinairement que de quelques minutes, et que les aurores boréales influaient plus qu’aucune autre cause sur cette variation. « Le 23 septembre 1781, la direction était, dit-il, le matin, sur 26 minutes de la division du micromètre ; à deux heures après midi, elle parvint à 1 degré. Ce grand mouvement annonçait quelque chose d’extraordinaire, l’aiguille ensuite rétrograda vers l’est, non seulement de tout le degré où elle était parvenue, mais encore de 13 minutes en deçà, où elle fut observée à neuf heures du soir. C’est alors qu’on s’aperçut d’une aurore boréale, dont l’effet sur l’aiguille avait été par conséquent de 37 minutes. Le 25, une autre aurore boréale ne produisit qu’une variation totale de 35 minutes. Il faut, à la vérité, défalquer l’effet ordinaire de la variation diurne, qui est d’environ 14 minutes. Il a paru que l’effet des aurores boréales précédait souvent de plusieurs heures l’apparition de ces aurores, et se prolongeait aussi longtemps après. Le 12 mai 1783, deux aiguilles d’acier fondu, très fortement aimantées, rétrogradèrent de 14 minutes plus que de coutume, et l’on remarqua un bandeau d’aurore boréale, véritable cause de cet effet, qui n’avait pas eu lieu les jours précédents, et qui n’eût plus lieu le lendemain… Parmi les causes perturbatrices de la variation diurne, les aurores boréales sont sans doute les plus fortes ; leur effet dérange absolument la direction des aiguilles aimantées qu’elles agitent en tout sens, et d’une quantité plus ou moins grande selon la force et l’étendue du phénomène… » (Extrait du Mémoire de M. le comte de Cassini adressé aux auteurs du Journal de physique.)