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résines, ainsi qu’en isolant les substances conductrices de l’électricité, diriger et condenser la force électrique, et ces deux forces électrique et magnétique peuvent être également dispersées, changées ou supprimées à volonté. La force de l’électricité et celle du magnétisme peuvent de même se communiquer aux matières que l’on approche des corps dans lesquels on a excité ces forces.

Souvent, pendant l’orage, l’électricité des nuées a troublé la direction de l’aiguille de la boussole[1] ; et même l’action de la foudre aérienne a influé quelquefois sur le magnétisme, au point de détruire et de changer tout à coup d’un pôle à l’autre la direction de l’aimant[2].

Une forte étincelle électrique, et l’action du tonnerre, paraissent également donner la vertu magnétique aux corps ferrugineux et la vertu électrique aux substances que la nature a rendues propres à recevoir immédiatement l’électricité, telles que les verres et les résines. M. le chevalier de Rozières, capitaine au corps royal du génie, est parvenu à aimanter des barres d’acier, en tirant des étincelles par le bout opposé à celui qui recevait l’électricité, sans employer les commotions plus ou moins fortes des grandes batteries électriques[3], et même sans en tirer des étincelles, et seulement en les électrisant pendant plusieurs heures de suite[4].

Des bâtons de soufre ou de résine qu’on laisse tomber, à plusieurs reprises, sur un corps dur, acquièrent la vertu électrique, de même que des barres de fer, qu’on laisse tomber plusieurs fois de suite d’une certaine hauteur, prennent du magnétisme par l’effet de leurs chutes réitérées[5].

On peut imprimer la vertu magnétique à une barre de fer, de telle sorte qu’elle présente une suite de pôles alternativement opposés : on peut également électriser une lame ou un tube de verre, de manière qu’on y remarque une suite de pôles alternativement opposés[6].

Lorsqu’une barre de fer s’aimante par sa seule proximité avec l’aimant, l’extrémité de cette barre qui en est la plus voisine acquiert un pôle opposé à celui que l’aimant lui présente. De même, une barre de fer isolée peut recevoir deux électricités opposées par le voisinage d’un corps électrisé ; le bout qui est le plus proche de ce corps jouit, comme dans l’aimant, d’une force opposée à celle dont il subit l’action.

Les matières ferrugineuses réduites en rouille, en ocre, et toutes les dissolutions du fer par l’acide aérien ou par les autres acides, ne peuvent recevoir la vertu magnétique ; et de même ces matières ferrugineuses ne peuvent, dans cet état de dissolution, acquérir la vertu électrique.

Si l’on suspend une lame de verre, garnie à ses deux bouts de petites plaques de métal, dont l’une sera électrisée en plus, l’autre en moins, et si cette lame, ainsi préparée, peut se mouvoir librement lorsqu’on en approchera un corps électrique, qui jouit aussi des deux électricités, la lame de verre présentera les mêmes phénomènes qu’une aiguille aimantée présente auprès d’un aimant[7].

  1. Voyez la relation de Carteret, dans le Premier voyage de Cook.
  2. Transact. Philosoph., no 127, p. 647, et no 157, p. 520.
  3. Lettre de M. de Rozières, secrétaire de la Société patriotique de Valence et capitaine au corps royal du génie, à M. le comte de Buffon, du 14 décembre 1786.
  4. Cette dernière manière n’a été trouvée que nouvellement, par M. le chevalier de Rozières, qui nous en a fait part par sa lettre du 30 avril 1787.
  5. Mémoire de M. Liphardt, Journal de physique, juin 1787.
  6. Voyez, à ce sujet, les expériences de M. Æpinus, dans la dissertation que ce physicien a publiée à la tête de son ouvrage sur le Magnétisme, et celle de M. le comte de Lacépède, dans son Essai sur l’électricité, t. Ier.
  7. Voyez la dissertation prononcée par M. Æpinus, à Pétersbourg, au mois de septembre 1758.