Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome IV, Partie 1.djvu/104

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

les Cordillères, nous démontrent qu’elles ne sont pas de première formation, c’est-à-dire entièrement composées de matières vitreuses, quartzeuses ou granitiques, puisque nous sommes assurés, par la continuité des terrains volcaniques dans l’Europe entière, que jamais les foudres souterraines n’ont agi contre ces matières primitives, et qu’elles en ont partout suivi les contours sans les entamer, parce que ces matières vitreuses, n’étant point conductrices de l’électricité, n’ont pu en subir ni propager l’action. Il est donc à présumer que toutes les montagnes volcaniques, soit dans les Cordillères, soit dans les autres parties du monde, ne sont pas de première formation, mais ont été projetées ou soulevées par la force des foudres et des feux souterrains, tandis que les autres montagnes dans lesquelles, comme aux Alpes et aux Pyrénées, etc., l’on ne voit aucun indice de volcan, sont en effet les montagnes primitives, composées de matières vitreuses qui se refusent à toute action de l’électricité.

Nous ne pouvons donc pas douter que la force de l’électricité n’ait agi en toute liberté et n’ait fait de violentes explosions dans les cavités ou boursouflures occasionnées par l’action du feu primitif ; en sorte qu’on doit présumer, avec fondement, qu’il a existé des volcans dès ces premiers temps, et que ces volcans n’ont pas eu d’autre cause que l’action des foudres souterraines. Ces premiers et plus anciens volcans n’ont été, pour ainsi dire, que des explosions momentanées et dont le feu, n’étant pas nourri par les matières combustibles, n’a pu se manifester par des effets durables ; ils se sont, pour ainsi dire, éteints après leur explosion, qui néanmoins a dû projeter toutes les matières que la foudre avait frappées et déplacées. Mais lorsque, dans la suite, les eaux, les substances métalliques et autres matières volatiles sublimées par le feu et reléguées dans l’atmosphère sont tombées et se sont établies sur le globe, ces substances, toutes conductrices de l’électricité, ont pu s’accumuler dans les cavernes souterraines. Les végétaux s’étant dès lors multipliés sur les hauteurs de la terre, et les coquillages s’étant en même temps propagés et ayant pullulé au point de former par leurs dépouilles de grands amas de matières calcaires, toutes ces matières conductrices se sont de même rassemblées dans ces cavités intérieures, et dès lors, l’action des foudres électriques a dû produire des incendies durables et d’autant plus violents que ces volcans se sont trouvés plus voisins des mers dont les eaux, par leur conflit avec le feu, ont encore augmenté la force et la durée des explosions ; et c’est par cette raison que le pied de tous les volcans encore actuellement agissants se trouve voisin des mers, et qu’il n’en existe pas dans l’intérieur des continents terrestres.

On doit donc distinguer deux sortes de volcans : les premiers, sans aliments et uniquement produits par la force de l’électricité souterraine ; les seconds, alimentés par les substances combustibles. Les premiers de tous les volcans n’ont été que des explosions momentanées dans le temps de la consolidation du globe. Ces explosions peuvent nous être représentées en petit par les étincelles que lance un boulet de fer rougi à blanc en se refroidissant. Elles sont devenues plus violentes et plus fréquentes par la chute des eaux, dont le conflit avec le feu a dû produire de plus fortes secousses et des ébranlements plus étendus. Ces premiers et plus anciens volcans ont laissé des bouches ou cratères autour desquels se trouvent des laves et autres matières fondues par les foudres, de la même manière que la force électrique mise en jeu par nos faibles instruments fond ou calcine toutes les matières sur lesquelles elle est dirigée.

Il y a donc toute apparence que, dans le nombre infini de volcans éteints qui se trouvent à la surface de la terre, la plupart doivent être rapportés aux premières époques des révolutions du globe après sa consolidation, pendant lesquelles ils n’ont agi que par moments et par l’effet subit des foudres souterraines, dont la violence a soulevé les montagnes et entr’ouvert les premières couches de la terre avant que la nature n’eût produit assez de végétaux, de pyrites et d’autres substances combustibles pour servir d’aliment aux volcans durables, tels que ceux qui sont encore actuellement agissants.