reconnu, par l’expérience, que ces spaths fluors sont principalement composés de soufre et de terre calcaire. M. de Morveau a vérifié les expériences de M. Monnet[1], qui consistent à dépouiller ces spaths de leur soufre. Leur terre désoufrée présente les propriétés essentielles de la matière calcaire ; car elle se réduit en chaux et fait effervescence avec les acides : il n’est donc pas nécessaire de supposer dans ces spaths fluors, comme l’ont fait M. Bergman et plusieurs chimistes après lui, une terre de nature particulière, différente de toutes les terres connues, puisqu’ils ne sont réellement composés que de terre calcaire mêlée de soufre.
M. Schéele avait fait, avant M. Monnet, des expériences sur les spaths fluors blancs et colorés ; et il remarque avec raison que ces spaths diffèrent essentiellement de la pierre de Bologne ou spath pesant, ainsi que de l’albâtre et des pierres séléniteuses, qui sont phosphoriques lorsqu’elles ont été calcinées sur les charbons[2] : cet habile chimiste avait en même temps cru reconnaître que ces spaths fluors sont composés d’une terre calcaire combinée, dit-il, avec un acide qui leur est propre et qu’il ne désigne pas[3] ; il ajoute seulement que l’alun et le fer semblent n’être qu’accidentels à leur composition. Ainsi M. Monnet est le premier qui ait reconnu le soufre, c’est-à-dire l’acide vitriolique uni à la substance du feu dans ces spaths fluors.
M. le docteur Demeste, que nous avons souvent eu occasion de citer avec éloge, a recueilli avec discernement et avec son attention ordinaire les principaux faits qui ont rapport à ces spaths, et je ne peux mieux terminer cet article qu’en les rapportant ici, d’après lui. « La nature, dit-il, nous offre les spaths phosphoriques en masses plus ou moins considérables, tantôt informes et tantôt cristallisées ; ils sont plus ou moins transparents, pleins de fentes ou fêlures, et leurs couleurs sont si variées, qu’on les désigne ordinairement par le nom de la pierre précieuse colorée dont ils imitent la nuance… J’ai vu beaucoup de ces spaths informes près des alunières, entre Civita-Vecchia et la Tolfa ; ils y servent de gangue à quelques filons de la mine de plomb sulfureuse connue sous le nom de galène ; on les trouve fréquemment mêlés avec le quartz en Auvergne et dans les Vosges, et avec le spath calcaire dans les mines du comté de Derby en Angleterre.
» Quoique ces spaths phosphoriques, et surtout ceux en masses informes, soient ordinairement fendillés, cela n’empêche pas qu’ils ne soient susceptibles d’un fort beau poli ; on en rencontre même des pièces assez considérables pour en pouvoir faire de petites tables, des urnes et autres vases désignés sous les noms de prime d’émeraude, de prime d’améthyste, etc. M. Romé de Lisle a nommé albâtres vitreux ceux de ces spaths qui, formés par dépôts comme les albâtres calcaires, sont aussi nuancés par zones ou rubans de différentes couleurs, ainsi qu’on en voit dans l’albâtre oriental. Ces albâtres vitreux se trouvent en abondance dans certaines provinces d’Angleterre, et surtout dans le comté de Derby ; ils sont panachés ou rubanés des plus vives couleurs, et surtout de différentes teintes d’améthystes sur un fond blanc, mais ils sont toujours étonnés et comme formés de pièces de rapport dont on voit les joints, ce qui est un effet de leur cristallisation rapide et confuse ; j’en ai vu à Paris de très belles pièces qui y avaient été apportées par M. Jacob Forster… On rencontre aussi quelquefois de ce même spath en stalactites coniques, et même en stalagmites ondulées ; mais il est beau-
- ↑ Je viens de vérifier une chose que M. Monnet avait avancée, et qui m’avait fort étonné, c’est que le spath fluor feuilleté, si commun dans les mines métalliques, est un composé de soufre et de terre calcaire. (Lettre de M. de Morveau à M. de Buffon, datée de Dijon, 3 avril 1779.)
- ↑ Voyez les Observations sur la Physique, t. II, partie ii, seconde année, octobre 1772, p. 80.
- ↑ Idem, p. 83. [Note de Wikisource : C’est Buffon qui est ici dans l’erreur : le spath fluor ne contient pas de soufre, mais du fluor, que Schéele n’a pas réussi à isoler complètement, mais dont il a reconnu la spécificité.]