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la texture et la forme de cristallisation diffèrent beaucoup, mais tous sont à peu près d’un tiers plus légers que les spaths pesants, qui d’ailleurs n’ont, comme les pierres précieuses, qu’une simple réfraction, et sont par conséquent homogènes, c’est-à-dire également denses, dans toutes les parties, tandis que les spaths fluors au contraire offrent, comme tous les autres cristaux vitreux ou calcaires, une double réfraction[1], et sont composés de différentes substances ou du moins de couches alternatives de différente densité.

Les spaths fluors sont dissolubles par les acides, même à froid, quoique d’abord il n’y ait que peu ou point d’effervescence, au lieu que les spaths pesants résistent constamment à leur action, soit à froid, soit à chaud : ils ne contiennent donc point de matière calcaire, et les spaths fluors en contiennent en assez grande quantité, puisqu’ils se dissolvent en entier par l’action des acides.

Ces spaths fluors sont plus durs que les spaths calcaires, mais pas assez pour étinceler sous le briquet, si ce n’est dans certains points où ils sont mêlés de quartz, et c’est par là qu’on les distingue aisément du feldspath, qui de tous les spaths est le seul étincelant sous le choc de l’acier : mais ces spaths fluors diffèrent encore essentiellement du feldspath par leur densité qui est considérablement plus grande[2], et par leur résistance au feu auquel ils sont très réfractaires, au lieu que le feldspath y est très fusible ; et d’ailleurs, quoiqu’on les ait dénommés spaths vitreux, parce que leur cassure ressemble à celle du verre, il est certain que leur substance est différente de celle du feldspath et de tous les autres verres primitifs ; car l’un de nos plus habiles minéralogistes, M. Monnet, a

    2o En fausses aigues-marines, d’un vert ou d’un bleu pâle ;

    3o En fausses émeraudes, d’un vert plus ou moins foncé ;

    4o En fausses topazes, d’un jaune plus ou moins clair ;

    5o En fausses améthystes, de couleur pourpre ou violette ;

    6o En faux rubis balais, ou d’un rouge pâle ;

    7o En faux saphirs, ou de couleur bleue.

    Toutes ces variétés se trouvent en cubes plus ou moins grands… Ces cristaux sont presque toujours incrustés ou mélangés de petits cristaux de quartz, de blendes, de pyrites, de galène, de spath calcaire et de mines de fer spathique.

    La seconde espèce est le spath fusible aluminiforme, c’est-à-dire de figure octaèdre rectangulaire : tels sont ces spaths vitreux octaèdres de Suède, l’un de couleur verte, cité par M. de Born, et un autre clair et sans couleur dont parle Cronstedt ; tels sont encore les spaths fusibles d’un vert clair ou bleuâtre qui se rencontrent dans le commerce sous le nom d’émeraudes morillon ou de Carthagène, les faux rubis balais de Suisse. L’hyacinthe de Compostelle est une variété de cette seconde espèce.

    La troisième espèce est le spath fusible en stalactites ou par masses informes… Le tissu de ce spath est toujours lamelleux, mais quelquefois si serré qu’à peine les lames y sont-elles apparentes… Ils sont en général mêlés de plusieurs substances hétérogènes qui souvent y forment des veines ou des zigzags. On en trouve de blancs, de verts ou verdâtres qu’on vend sous le faux nom de prime d’émeraude, des bleus auxquels on donne le nom de prime de saphir ; de rougeâtres, de violets, de jaunes et de bruns ; et souvent ces couleurs se trouvent mélangées, et même par veines assez distinctes, dans le même morceau.

    La quatrième espèce sont les spaths fusibles grenus, dont les grains ressemblent à des grains de sel, ce qui se trouve aussi dans certains marbres grenus : selon Wallerius, il y en a de blancs, de jaunâtres, de bleus et de violets. Cristallographie, par M. Romé de Lisle, t. II, p. 7 et suiv.

  1. L’on trouve aux environs de Vignori, dans une recoupe que l’on a faite pour adoucir la pente du chemin des roches qui renferment des cristaux de spath fusible, lequel a la propriété du cristal d’Islande, de faire apercevoir les objets doubles. Mémoires de physique, par M. de Grignon, p. 338.
  2. La pesanteur spécifique des spaths fluors est, comme on vient de le voir, de 30 à 31 mille ; et celle du feldspath n’est que de 25 à 26 mille.