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ZÉOLITHE

Les anciens n’ont fait aucune mention de cette pierre, et les naturalistes modernes l’ont confondue avec les spaths auxquels la zéolithe ressemble en effet par quelques caractères apparents. M. Cronstedt est le premier qui l’en est distinguée, et qui nous ait fait connaître quelques-unes de ses propriétés particulières[1]. MM. Swab, Bucquet, Bergman et quelques autres, ont ensuite essayé d’en faire l’analyse par la chimie ; mais, de tous les naturalistes et chimistes récents, M. Pelletier est celui qui a travaillé sur cet objet avec le plus de succès.

Cette pierre se trouve en grande quantité dans l’île de Feroë, et c’est de là qu’elle s’est d’abord répandue en Allemagne et en France ; et c’est cette même zéolithe de Feroë que M. Pelletier a choisie de préférence pour faire ses expériences, après l’avoir distinguée d’une autre pierre à laquelle on a donné le nom de zéolithe veloutée et qui n’est pas une zéolithe, mais une pierre calaminaire.

M. Pelletier a reconnu que la substance de la vraie zéolithe est un composé de matière vitreuse ou argileuse et de substance calcaire[2] ; et, comme la quantité de la matière vitreuse y est plus grande que celle de la substance calcaire, cette pierre ne fait pas d’abord effervescence avec les acides, mais elle ne leur oppose qu’une faible résistance ; car les acides vitrioliques et nitreux l’entament et la dissolvent en assez peu de temps. La dissolution se présente en consistance de gelée, et ce caractère, qu’on avait donné comme spécial et particulier à la zéolithe, est néanmoins commun à toutes les pierres qui sont mélangées de parties vitreuses et calcaires ; car leur dissolution est toujours plus ou moins gélatineuse, et celle de la zéolithe est presque solide et tremblotante, comme la gelée de corne de cerf.

La zéolithe de Feroë entre d’elle-même en fusion, comme toutes les autres matières mélangées de parties vitreuses et calcaires, et le verre qui en résulte est transparent et d’un beau blanc, ce qui prouve qu’elle ne contient point de parties métalliques qui ne manqueraient pas de donner de la couleur à ce verre, dont la transparence démontre aussi que la matière vitreuse est dans cette zéolithe en bien plus grande quantité que la substance calcaire ; car le verre serait nuageux ou même opaque, si cette substance calcaire y était en quantité égale ou plus grande que la matière vitreuse. La zéolithe d’Islande contient, selon M. Bergman[3], quarante-huit centièmes de silex, vingt-deux d’argile et douze à quatorze de matière calcaire. L’argile et le silex de M. Bergman étant des matières vitreuses, il y aurait dans cette zéolithe d’Islande beaucoup moins de parties calcaires et plus de parties vitreuses que dans la zéolithe de Feroë ; ce chimiste ajoute que ces nombres quarante-huit, vingt-deux et quatorze, additionnés ensemble et ajoutés à ce qu’il y a d’eau, donnent un total qui excède le nombre de cent ; cet excédent, dit-il, provient de ce que la chaux entre dans les zéolithes sans air fixe, dont elle s’imprègne ensuite par la précipita-

  1. Voyez, dans les Mémoires de l’Académie de Suède, année 1756, l’écrit de M. Cronstedt sur la zéolithe.
  2. « La substance de la zéolithe, dit M. Pelletier, est un composé naturel de vingt parties de terre argileuse bien calcinée, de huit parties de terre calcaire dans le même état, de cinq autres parties de terre quartzeuse ou de silex, et de vingt-deux parties de flegme ou d’humidité ; » sur quoi je dois observer que l’argile n’étant qu’un quartz décomposé, M. Pelletier aurait pu réunir les vingt parties argileuses aux cinq parties quartzeuses, ce qui fait vingt-cinq parties vitreuses et huit parties calcaires dans la zéolithe.
  3. Lettre de M. Bergman à M. de Troil, dans les Lettres de ce dernier, sur l’Islande, p. 427 et suiv.