j’avais moins de confiance aux lumières de M. Monnet, je croirais, à cette description, que son arsenic vierge n’est qu’une espèce de marcassite ou pyrite arsenicale ; mais, ne les ayant pas comparés, je ne dois tout au plus que douter, d’autant que le savant M. de Morveau dit aussi : « Qu’on trouve de l’arsenic vierge en masse informe, grenue, en écailles et friable ; de l’arsenic noir mêlé de bitume, de l’arsenic gris testacé, de l’arsenic blanc cristallisé en gros cubes[1] ; » mais toutes ces formes pourraient être des décompositions d’arsenic ou des mélanges avec du cobalt et du fer : d’ailleurs, la mine d’arsenic en écailles ni même le régule d’arsenic, qui doit être encore plus pur et plus dense que l’arsenic vierge, ne sont pas aussi pesants que le suppose M. Monnet ; car la pesanteur de la mine écailleuse d’arsenic n’est que de 57 249, et celle du régule d’arsenic de 57 633, tandis que la pesanteur spécifique du régule de cobalt est de 78 419, et celle du régule de nickel de 78 070 ; il est donc certain que l’arsenic vierge n’est pas à beaucoup près aussi pesant que ces régules de cobalt et de nickel.
Quoi qu’il en soit, l’arsenic se rencontre dans presque toutes les mines métalliques, et surtout dans les mines d’étain, c’est même ce qui a fait donner à l’arsenic, comme au soufre, le nom de minéralisateur : or, si l’on veut avoir une idée nette de ce que signifie le mot de minéralisation, on ne peut l’interpréter que par celui de l’altération que certaines substances actives produisent sur les minéraux métalliques ; la pyrite, ou si l’on veut le soufre minéral, agit comme un sel par l’acide qu’il contient ; le foie de soufre agit
- ↑ Éléments de chimie, t. Ier, p. 125. — « L’arsenic, dit M. Demeste, est une substance fort commune dans les mines ; elle s’y montre tantôt à la surface d’autres minéraux, où elle s’est déposée, soit à l’état de régule, soit à l’état de chaux : tantôt elle s’y trouve minéralisée, et tantôt elle exerce elle-même les fonctions de minéralisateur… » Outre le fer que contient la pyrite arsenicale, elle renferme aussi quelquefois du cobalt, du bismuth, même de l’argent et de l’or… Le régule d’arsenic natif est ordinairement noirâtre et terni par l’action de l’air, quoique dans sa fracture récente il soit brillant comme de l’acier. Tantôt il forme des masses écailleuses, solides, assez compactes et sans figure déterminée ; tantôt ce sont des masses granuleuses avec des protubérances, composées de lames très épaisses, posées en recouvrement les unes sur les autres, et dont les fragments ont par conséquent une partie concave et une partie convexe. Il porte alors le nom d’arsenic testacé. Quand cet arsenic vierge est pur et sans mélange, il n’est point assez dur pour faire feu avec le briquet, mais il est quelquefois mêlé d’une petite quantité de fer ou de cobalt, et alors sa dureté est plus considérable.
La grande facilité avec laquelle l’arsenic passe à l’état de chaux, et la grande volatilité de cette chaux nous indiquent assez pourquoi l’on rencontre la chaux de ce demi-métal sous la forme d’une efflorescence blanche à la surface et dans les cavités de certaines mines ; on ne peut même pas douter qu’elle ne puisse résulter de la décomposition, soit de la mine d’argent rouge, soit des autres minéraux qui contiennent ce demi-métal… Cette efflorescence blanche est une chaux d’arsenic proprement dite…
Le verre natif d’arsenic est d’un blanc jaunâtre, de même que le verre factice de ce demi-métal ; mais le premier est moins sujet à s’altérer à l’air que le dernier, par la raison sans doute que la combinaison des deux substances qui composent le verre natif y est plus parfaite et plus intime qu’elle ne l’est dans le verre d’arsenic que nous préparons.
Quoi qu’il en soit, le verre natif d’arsenic se rencontre à la superficie de quelques mines de cobalt et sur quelques produits de volcans ; il est quelquefois cristallisé en prismes minces, triangulaires, ou en aiguilles blanches divergentes, etc. Lettres de M. Demeste, t. II, p. 121 et suiv.
au-Hartz et dans quelques-unes de Suède, on en a trouvé par intervalles quelques morceaux… M. Monnet conclut par dire que l’arsenic est une substance particulière, semi-métallique si on veut l’envisager par ses propriétés métalliques, ou semi-saline si on veut l’envisager par ses propriétés salines, qui entre comme partie contingente dans les mines et qui est indifférente à l’intérieur des métaux. Journal de physique, septembre 1773, p. 191 et suiv.