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encore pour polir le verre[1] et même pour l’étamer[2], et c’est de cet usage qu’il a reçu le nom d’étain de glace.

Les expériences que l’on a faites sur ses propriétés relatives à la médecine n’ont découvert que des qualités nuisibles, et sa chaux, prise intérieurement, produit des effets semblables à ceux des chaux de plomb, et aussi dangereux : on en abuse de même pour adoucir les vins trop acides et désagréables au goût.

Quelques minéralogistes ont écrit que la mine de bismuth pouvait servir, comme celle du cobalt, à faire le verre bleu d’azur : « Elle laisse, disent-ils[3], suinter aisément une substance semi-métallique, que l’on nomme bismuth ou étain de glace, et ensuite elle laisse une terre grise et fixe qui, par sa vitrification, donne le bleu d’azur ». Mais cela ne prouve pas que le bismuth fournisse ce bleu ; car dans sa mine il est très souvent mêlé de cobalt, et ce bleu provient sans doute de cette dernière matière : la terre grise et fixe n’est pas une terre de bismuth, mais la terre du cobalt qui était mêlé dans cette mine, et auquel même le bismuth n’était pas intimement lié, parce qu’il s’en sépare à la première fonte et à un feu très modéré ; et nous verrons qu’il n’y a aucune affinité entre le cobalt et le bismuth, car, quoiqu’ils se trouvent très souvent mêlés ensemble dans leurs mines, chacun y conserve sa nature, et, au lieu d’être intimement uni, le bismuth n’est qu’interposé dans les mines de cobalt, comme dans presque toutes les autres où il se trouve, parce qu’il conserve toujours son état de pureté native.


  1. Transactions philosophiques, no 396, novembre 1726.
  2. Je me suis assuré, m’écrit M. de Morveau, que le bismuth sert encore à l’étamage des petits verres non polis qui viennent d’Allemagne, en forme de petits miroirs de poche, ou du moins qu’il entre pour beaucoup dans la composition de cet étamage dont on fait un secret, car l’ayant recueilli sur plusieurs de ces miroirs, et poussé à la fusion, j’ai obtenu un grain métallique qui a donné la chaux du bismuth : ce procédé serait fort utile pour étamer les verres courbes, peut-être même pour réparer les taches des glaces que l’on nomme rouillées. À la seule inspection des miroirs d’Allemagne, on juge aisément que cette composition s’applique d’une manière bien différente de l’étamage ordinaire, car il est bien plus épais et d’une épaisseur très inégale ; on y remarque des gouttes, comme si on eût passé un fer à souder pour étendre et faire couler le bismuth à la surface du verre ; ce qu’il y a de certain, c’est que l’adhérence est bien plus forte que celles de nos feuilles d’étain.

    Il me semble que le bismuth entre aussi dans l’amalgame dont on se sert pour étamer la surface intérieure des globes. Note communiquée par M. de Morveau.

  3. La mine de bismuth sert aussi à faire le bleu d’azur : à feu ouvert et doux, elle laisse aisément suinter une substance semi-métallique que l’on nomme bismuth ou étain de glace, et elle laisse une pierre ou une terre grise et fixe.

    Il faut séparer, autant qu’il est possible, cette mine, si elle est pure, du cobalt véritable, pour en rassembler le bismuth ; mais le mélange de ces deux matières minérales est ordinairement si intime dans la mine, que cette séparation est presque impossible ; c’est pourquoi l’on trouve souvent, dans les pots à vitrifier, une substance réguline qui s’est précipitée ordinairement d’une couleur blanchâtre tirant sur le rouge. Cette substance n’est presque jamais un véritable bismuth, et tel qu’on le retire de sa mine par la fonte : mais elle est toujours mêlée avec une matière étrangère qui est la terre fixe du cobalt. Ainsi on la pulvérise de nouveau pour la joindre à d’autres mélanges de mine, de sable et de sel alcali, qu’on met dans les pots pour les vitrifier. Traité de la fonte des mines, de Schlutter, t. Ier, p. 248.