Page:Buffon - Œuvres complètes, éd. Lanessan, 1884, tome III.djvu/283

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

veut dorer un amalgame d’or et de mercure, de le chauffer ensuite assez pour faire exhaler en vapeurs le mercure qui laisse l’or sur le métal, qu’il ne s’agit plus que de frotter avec le brunissoir pour le rendre brillant ; il y a encore d’autres manières de dorer ; mais c’est peut-être déjà trop en histoire naturelle que de donner les principales pratiques de nos arts[NdÉ 1].

Mais nous laisserions imparfaite cette histoire de l’or si nous ne rapportions pas ici tous les renseignements que nous avons recueillis sur les différents lieux où se trouve ce métal : il est, comme nous l’avons dit, universellement répandu, mais en atomes infiniment petits, et il n’y a que quelques endroits particuliers où il se présente en particules sensibles et en masses assez palpables pour être recueillies. En parcourant dans cette vue les quatre parties du monde, on verra qu’il n’y a que peu de mines d’or proprement dites dans les régions du nord, quoiqu’il y ait plusieurs mines d’argent, qui presque toujours est allié d’une petite quantité d’or. Il se trouve aussi très peu de vraies mines d’or dans les climats tempérés ; il y en a seulement quelques-unes où l’on a rencontré de petits morceaux de ce métal massif ; mais dans presque toutes l’or n’est qu’en petite quantité dans l’argent avec lequel il est toujours mêlé. Les mines d’or les plus riches sont dans les pays les plus chauds, et particulièrement dans ceux où les hommes ne sont pas anciennement établis en société policée, comme en Afrique et en Amérique, car il est très probable que l’or est le premier métal dont on se soit servi : plus remarquable par son poids qu’aucun autre, et plus fusible que le cuivre et le fer, il aura bientôt été reconnu, fondu, travaillé ; on peut citer pour preuve les Péruviens et les Mexicains, dont les vases et les instruments étaient d’or, et qui n’en avaient que peu de cuivre et point du tout de fer, quoique ces métaux soient abondants dans leur pays ; leurs arts n’étaient pour ainsi dire qu’ébauchés, parce qu’eux-mêmes étaient des hommes nouveaux et qui n’étaient qu’à demi policés depuis cinq ou six siècles. Ainsi, dans les premiers temps de la civilisation de l’espèce humaine, l’or, qui de tous les métaux s’est présenté le premier à la surface de la terre ou à de petites profondeurs, a été recueilli, employé et travaillé, en sorte que dans les pays peuplés et civilisés plus anciennement que les autres, c’est-à-dire dans les régions septentrionales et tempérées, il n’est resté pour la postérité que le petit excédent de ce qui n’a pas été consommé ; au lieu que dans ces contrées méridionales de l’Afrique et de l’Amérique, qui n’ont été peuplées que les dernières, et où les hommes n’ont jamais été policés, la quantité de ce métal s’est trouvée tout entière, et telle pour ainsi dire que la nature l’avait produite et confiée à la terre encore vierge ; l’homme n’en avait pas encore déchiré les entrailles[1] ; son sein était à peine effleuré lorsque les conquérants du nouveau monde en ont forcé les habitants à la fouiller dans toutes ses parties par des travaux immenses : les Espagnols et les Portugais ont en moins d’un siècle plus tiré d’or du Mexique et du Brésil que les naturels du pays n’en avaient recueilli depuis le premier temps de leur population. La Chine, dira-t-on, semble nous offrir un exemple contraire ; ce pays, très anciennement policé, est encore abondant en mines d’or qu’on dit être assez riches ; mais ne dit-on pas en même temps, avec plus de vérité, que la plus grande partie de l’or qui circule à la Chine vient des pays étrangers ? Plusieurs empereurs chinois assez sages, assez humains pour épargner la sueur et ménager la vie de leurs sujets, ont défendu l’extraction des mines dans toute l’étendue de leur domination[2] : ces défenses ont subsisté

  1. « Regnaverat in Colchis Saleucis, qui terram virgineam nactus, plurimùm argenti aurique eruisse dicitur. » Pline, lib. xxxv.
  2. Les anciens Romains avaient eu la même sagesse : « Metallorum omnium fertilitate nullis cedit terris Italia, sed interdictum id vetere consulto patrum, Italiæ parci jubentium. » Pline, Hist. nat., lib. iii, cap. xxiv.
  1. On emploie surtout aujourd’hui, toutes les fois que c’est possible, la galvanoplastie.