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graduellement au point de faire sublimer l’alcali volatil ; il enlève avec lui une portion de l’acide marin, et ils forment ensemble au haut du vaisseau une masse considérable de sel ammoniac. Vingt-six livres de cette suie animale donnent, dit-on, six livres de sel ammoniac : ce qu’il y a de sûr, c’est que l’Égypte en fournit l’Europe et l’Asie ; néanmoins, on fabrique aussi du sel ammoniac dans quelques endroits des Indes orientales ; mais il ne nous en arrive que rarement et en petite quantité ; on le distingue aisément de celui d’Égypte, il est en forme de pain de sucre, et l’autre est en masse aplatie ; leur surface est également noircie de l’huile fuligineuse de la suie, et il faut les laver pour les rendre blancs au dehors comme ils le sont au dedans.

La saveur de ce sel est piquante et salée, et en même temps froide et amère ; son odeur pénétrante est urineuse, et il y a toute raison de croire qu’il peut en effet se former dans les lieux où l’alcali volatil de l’urine putréfiée se combine avec l’acide du sel marin. Ses cristaux sont en filets arrangés en forme de barbes de plumes, à peu près comme ceux de l’alun ; ils sont pliants et flexibles, au lieu que ceux de l’alun sont raides et cassants. Au reste, on peut tirer du sel ammoniac de toutes les matières qui contiennent du sel marin et de l’alcali volatil. Il y a même des plantes comme la moutarde, les choux, etc., qui fournissent du sel ammoniac, parce qu’elles sont imprégnées de ces deux sels.

On recueille le sel ammoniac qui se sublime par l’action des feux souterrains, et même l’on aide à sa formation en amoncelant des pierres sur les ouvertures et fentes par où s’exhalent les fumées ou vapeurs enflammées ; elles laissent sur ces pierres une espèce de suie blanche et salée, de laquelle on tire du sel marin et du sel ammoniac ; quelquefois aussi cette suie est purement ammoniacale, et cela arrive lorsque l’acide marin dégagé de sa base s’est combiné avec l’alcali volatil des substances animales et végétales, qui, sous la forme de bitume, de charbon de terre, etc., servent d’aliment au feu des volcans : le Vésuve, l’Etna et toutes les solfatares en produisent, et l’on en trouve aussi sur les vieux volcans éteints, ou qui brûlent tranquillement et sans explosion ; on cite le pays de Calmouks en Tartarie, et le territoire d’Orenbourg en Sibérie, comme très abondants en sel ammoniac ; on assure que dans ces lieux il a formé d’épaisses incrustations sur les rochers, et que même il se présente quelquefois en masses jointes à du soufre ou d’autres matières volcaniques.




BORAX

Le borax[NdÉ 1] est un sel qui nous vient de l’Asie, et dont l’origine et même la fabrication ne nous sont pas bien connues : il paraît néanmoins que ce sel est formé ou du moins ébauché par la nature, et que les anciens Arabes, qui lui ont donné son nom, savaient le facturer et en faisaient un grand usage ; mais ils ne nous ont rien transmis de ce qu’ils pouvaient savoir sur sa formation dans le sein de la terre, et sur la manière de l’extraire et de le préparer ; les voyageurs modernes nous apprennent seulement que ce sel se trouve dans quelques provinces de la Perse[1], de la Tartarie méri-

  1. Le borax est un sel minéral qui naît aux Indes orientales, en Perse, en Transylvanie ; après qu’il a été tiré de la terre, on le raffine peu à peu comme les autres sels, et il se condense en beaux morceaux blancs, nets, transparents, secs ; il se garde facilement sans s’humecter ; il a d’abord un goût un peu amer, après quoi il devint douceâtre : on s’en sert pour souder quelques métaux, et principalement l’or, ce qui l’a fait appeler chrysocolla ; il est aussi quelquefois employé dans la médecine comme un remède incisif et apéritif. Collection académique, partie française, t. II, p. 28.
  1. Borate de soude.