DU SOUFRE
La nature, indépendamment de ses hautes puissances auxquelles nous ne pouvons atteindre, et qui se déploient par des effets universels, a de plus les facultés de nos arts qu’elle manifeste par des effets particuliers : comme nous, elle sait fondre et sublimer les métaux, cristalliser les sels, tirer le vitriol et le soufre des pyrites, etc. Son mouvement plus que perpétuel, aidé de l’éternité du temps, produit, entraîne, amène toutes les révolutions, toutes les combinaisons possibles ; pour obéir aux lois établies par le souverain Être, elle n’a besoin ni d’instruments, ni d’adminicules, ni d’une main dirigée par l’intelligence humaine ; tout s’opère, parce qu’à force de temps tout se rencontre, et que, dans la libre étendue des espaces et dans la succession continue du mouvement, toute matière est remuée, toute forme donnée, toute figure imprimée ; ainsi tout se rapproche ou s’éloigne, tout s’unit ou se fuit, tout se combine ou s’oppose, tout se produit ou se détruit par des forces relatives ou contraires, qui seules sont constantes, et, se balançant sans se nuire, animent l’univers et en font un théâtre de scènes toujours nouvelles, et d’objets sans cesse renaissants[NdÉ 1].
Mais en ne considérant la nature que dans ses productions secondaires, qui sont les seules auxquelles nous puissions comparer les produits de notre art, nous la verrons encore bien au-dessus de nous ; et, pour ne parler que du sujet particulier dont je vais traiter dans cet article, le soufre qu’elle produit au feu de ses volcans est bien plus pur, bien mieux cristallisé, que celui dont nos plus grands chimistes ont ingénieusement trouvé la composition[1] : c’est bien la même substance ; ce soufre artificiel et celui de la nature ne sont également que la matière du feu rendue fixe par l’acide[NdÉ 2], et la démonstration de cette vérité, qui ne porte que sur l’initiation par notre art d’un procédé secondaire de la nature, est néanmoins le triomphe de la chimie, et le plus beau trophée qu’elle puisse placer au haut du monument de toutes ses découvertes.
L’élément du feu qui, dans son état de liberté, ne tend qu’à fuir, et divise toute matière
- ↑ Ils sont allés jusqu’à déterminer la proportion dans laquelle l’acide vitriolique et le feu fixe entrent chacun dans le soufre. Stahl a trouvé « que, dans la composition du soufre, l’acide vitriolique faisait environ quinze seizièmes du poids total, et même un peu plus, et que le phlogistique faisait un peu moins d’un seizième… M. Brandt dit, d’après ses propres expériences, que la proportion du principe inflammable à celle de l’acide vitriolique est à peu près de 3 à 50 (ou d’un dix-septième) en poids ; mais ni M. Brandt ni M. Stahl n’ont pas connu l’influence de l’air dans la combinaison de leurs expériences, en sorte que cette proportion n’est pas certaine. » Dictionnaire de chimie, par M. Macquer, article Soufre.