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d’épaisseur, qui se trouve immédiatement sous la couche de terre végétale : ce premier lit de pierre schisteuse est divisé par un grand nombre de fentes verticales, comme le sont les premiers lits des pierres calcaires, et l’on peut également en faire du moellon ; mais ce schiste, quoique assez dur, n’est pas aussi sec que l’ardoise ; il est même spongieux et se ramollit par l’humidité lorsqu’il y est longtemps exposé. Les bancs qui sont au-dessous de ce premier lit ont plus d’épaisseur et moins de fentes verticales ; leur continuité augmente avec leur masse à mesure que l’on descend, et il n’est pas rare de trouver des bancs de cette pierre schisteuse de quinze ou vingt pieds d’épaisseur sans délits remarquables. La finesse du grain de ces schistes, leur sécheresse, leur pureté et leur couleur noire augmentent aussi en raison de leur situation à de plus grandes profondeurs, et d’ordinaire c’est au plus bas que se trouve la bonne ardoise.

L’on voit sur quelques-uns de ces feuillets d’ardoise des impressions de poissons à écailles, de crustacés et de poissons mous, dont les analogues vivants ne nous sont pas connus, et en même temps on n’y voit que très peu ou point de coquilles[1]. Ces deux faits paraissent au premier coup d’œil difficiles à concilier, d’autant que les argiles, dont on ne peut douter que les ardoises ne soient au moins en partie composées, contiennent une infinité de coquilles, et rarement des empreintes de poissons. Mais on doit observer que les ardoises, et surtout celles où l’on trouve des impressions de poissons, sont toutes situées à une grande profondeur, et qu’en même temps les argiles contiennent une plus grande quantité de coquilles dans leurs lits supérieurs que dans les inférieurs, et que même, lorsqu’on arrive à une certaine profondeur, on n’y trouve plus de coquilles ; d’autre part, on sait que le plus grand nombre des coquillages vivants n’habitent que les rivages ou les terrains élevés dans le fond de la mer, et qu’en même temps il y a quelques espèces de poissons et de coquillages qui n’en habitent que les vallées à une profondeur plus grande que celle où se trouvent communément tous les autres poissons

    communément ceux qui se délitent avec le plus de facilité ; ils sont aussi d’une pierre plus fine, et probablement plus homogène.

    » Ces lits sont rarement séparés les uns des autres par des couches de matières étrangères… On ne peut presque jamais creuser une carrière d’ardoise au delà de vingt-cinq foncées ou deux cent vingt-cinq pieds ; on en est empêché par le danger où l’on pourrait se trouver dans les dernières, les chutes de pierres devenant plus à craindre

    » Ordinairement la pierre des dernières foncées est la plus parfaite ; il n’y a cependant pas de règle sûre à ce sujet ; quelquefois la pierre qu’on tire après la première découverte se trouve bonne pendant deux ou trois foncées, et elle se dément ensuite pendant quatre ou cinq ; d’autres fois, la carrière ne donne de bonne pierre qu’à la quinzième ou seizième foncée… d’autres fois enfin, la carrière continue à ne rien valoir ; telles ont été celles de terre rouge et de la maze

    » Un point intéressant, c’est de détacher les lames d’ardoise d’une manière uniforme, de manière qu’elles aient une égale épaisseur dans toute leur étendue… La façon dont les bancs d’ardoise sont composés facilite ce travail ; ce sont en quelque sorte de grands feuillets appliqués les uns sur les autres et posés de champ. Ainsi les ouvriers les écartent perpendiculairement au moyen de leurs coins : cette direction doit faire que les quartiers qu’on veut détacher ne résistent pas beaucoup aux efforts des ouvriers. » Mémoires de M. Guettard, dans ceux de l’Académie des sciences, année 1757, p. 52 et suiv.

  1. L’ardoise est très commune dans le canton de Glarus (ou Glaris en Suisse) ; les plus belles carrières sont dans la vallée de Seruft, d’où l’on en tire des feuilles assez grandes et assez épaisses pour faire des tables, qui font un article considérable d’exportation. — Parmi ces ardoises, on en trouve une quantité innombrable qui portent les plus belles empreintes de plantes marines et terrestres, d’insectes et de poissons, soit entiers, soit en squelettes. J’en ai vu, de choisies dans le Blattenberg, dont la netteté, la perfection et la grandeur ne laissent rien à désirer. Lettres sur la Suisse, par M. Will. Coxe, avec les additions de M. Ramond, t. Ier, p. 69.