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Tous les schistes sont plus ou moins mélangés de particules micacées, et il y en a dans lesquels le mica paraît être en plus grande quantité que l’argile[1]. Ces schistes, ne contenant que peu de bitume et beaucoup de mica, sont les meilleures pierres dont on puisse se servir pour les fourneaux de fusion des mines de fer et de cuivre ; ils résistent au feu plus longtemps que le grès, qui s’égrène, quelque dur qu’il soit ; ils résistent aussi mieux que les granits, qui se fondent à un feu violent et se convertissent en émail ; et ils sont bien préférables à la pierre calcaire, qui peut à la vérité résister pendant quelques mois à l’action de ces feux, mais qui se réduit en poussière de chaux au moment qu’ils cessent et que l’humidité de l’air la saisit, au lieu que les schistes conservent leur nature et leur solidité pendant et après l’action de ces feux continuée très longtemps[2], car cette action se borne à entamer leur surface, et il faudrait un feu de plusieurs années pour en altérer la masse à quelques pouces de profondeur.

Les lits les plus extérieurs des schistes, c’est-à-dire ceux qui sont immédiatement sous la couche de terre végétale, se divisent en grands morceaux qui affectent une figure rhomboïdale[3], à peu près comme les grès, qui sont mêlés de matière calcaire, affectent cette même figure en petit ; et, dans les lits inférieurs des schistes, cette affectation de figure

  1. Le macigno des Italiens est un schiste de cette espèce ; il y en a des collines entières à Fiesoli près de Florence : « Les couches supérieures de ces carrières de macigno, dit M. Ferber, sont feuilletées et minces, entremêlées de petites couches argileuses » (l’auteur aurait dû dire limoneuses ; car je suis persuadé que ces petites couches entremêlées sont de terre végétale, et non d’argile) ; « le macigno devient plus compact en entrant dans la profondeur, et ne forme plus qu’une masse : on en tire de très grands blocs… On trouve par-ci par-là, dans le macigno compact, des rognons d’argile endurcie et une multitude de petites taches noires, quelquefois même des couches ou veines de charbon de terre » (autre preuve que ce n’est pas de l’argile, mais de la terre végétale ou limoneuse ; c’est le bitume de cette terre limoneuse qui a formé les taches noires) : « il y a du macigno de deux couleurs ; mais le meilleur pour bâtir et le plus durable est celui qui est d’un jaune grisâtre, mélangé d’ocre ferrugineuse. » Lettres sur la minéralogie, etc., p. 4.
  2. Il y a à Walcy, à dix lieues de Clermont en Argonne, près de Sainte-Ménéhould, une pierre dont il semble qu’on peut tirer de très grands avantages : elle est de couleur argileuse, sans fentes et sans gerçures, même apparentes ; l’eau-forte n’y fait aucune impression. Sa principale propriété est de pouvoir résister à l’action du feu le plus violent sans se calciner, si elle est employée sèche ; elle peut servir à la construction des voûtes de fourneaux de verreries, de faïencerie, etc. : on assure qu’elle y dure vingt ans sans altération. Journal historique et politique, mois de juillet 1774, p. 173.
  3. Cette propriété, dit M. Guettard, est trop singulière pour n’en pas dire ici quelque chose : c’est ordinairement dans les petits morceaux qui composent le banc le plus extérieur, et qu’on appelle cosse, que cette figure se remarque principalement. Ces morceaux forment des rhombes, des carrés longs, des carrés presque parfaits, des rhomboïdes ou des figures coupées irrégulièrement, mais dont les faces sont toujours d’un parallélogramme : on ne distingue pas aussi bien ces différentes figures dans les quartiers des grands bancs ; on peut cependant dire que ces bancs forment de grands carrés longs assez réguliers ; c’est une idée qui se présente d’abord lorsqu’on observe exactement une carrière d’ardoise, c’est du moins celle que j’ai prise en voyant la carrière de la Ferrière en Normandie.

    Cette carrière, de même que celle d’Angers, a un banc de cosse qui peut avoir un pied ou deux ; ce banc n’est qu’un composé de petites pierres posées obliquement sur les autres qui se détachent assez facilement, et qui affectent la figure d’un parallélogramme régulier ou irrégulier ; leurs côtés sont unis, ordinairement bien plans, ce qui fait que les pierres tiennent peu, et qu’il est aisé de les séparer les unes des autres. Lorsque ces côtés sont coupés obliquement, l’union de ces pierres est plus grande, elles sont en quelque sorte mieux entrelacées, et font un banc plus difficile à rompre, quoique en général il le soit peu.

    Les lits qui suivent celui-ci sont beaucoup plus considérables en hauteur ; leurs pierres ne sont pas en petites masses comme celles du lit précédent ; elles ont quelquefois quinze