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4o  Le quartz et le schorl : cette matière est composée de quartz blanc ou blanchâtre et de schorl, tantôt noir et tantôt vert ou verdâtre, distribué par taches irrégulières ; ce premier mélange, taché de noir sur un fond blanc, a été nommé improprement jaspe d’Égypte et granit oriental, et le second mélange a été tout aussi mal nommé porphyre vert. Nous ne croyons pas qu’il soit nécessaire d’avertir que cette pierre quartzeuse, tachetée de noir ou de vert par le mélange d’un schorl de l’une ou de l’autre de ces couleurs, n’est ni jaspe, ni granité, ni porphyre ; j’ignore si cette matière se trouve en grande masse, mais je sais qu’elle reçoit un beau poli et qu’elle frappe agréablement les yeux par le contraste des couleurs.

5o  Le jaspe et le mica ; cette combinaison n’existe peut-être pas dans la nature ; du moins je ne connais aucune substance qui la représente ; et lorsque le mica se trouve avec le jaspe il est seulement uni légèrement à sa surface et non pas incorporé dans sa substance.

    sommet de la montagne de l’Esterelle, ce même porphyre acquiert encore une autre sorte de taches qui, par leur transparence, ressemblent au verre, étant formées en cristaux spatheux, pyramidaux et pointus aux deux bouts ; mais, à mesure que les taches nouvelles s’accroissent, les autres disparaissent. Ce nouveau porphyre est plus beau que l’autre dans son poli, et ses taches deviennent entièrement transparentes quand on le scie en plaques minces. »

    Je remarquerai que cette pierre, que M. Angerstein a ci-devant regardée comme la mère du porphyre, devient ici une matière dont la finesse de grain, la dureté et la consistance l’ont déterminé à placer cette pierre parmi les jaspes.

    « En avançant quelques lieues, continue-t-il, dans les bois de l’Esterelle, on ne remarque plus qu’une continuité de ce changement alternatif de porphyre et de jaspe ; mais dans certains endroits, et surtout du côté de Fréjus, ces deux sortes de pierre sont amoncelées et congelées l’une avec l’autre, et forment un produit qui a le caractère du marbre sérancolin des Pyrénées.

    » Au sud-ouest, on trouve au pied de la montagne le pétrosilex : dans cet endroit il est tantôt rouge brun, tantôt tirant sur le bleu céleste, tantôt sur le vert ; ce qui fait présumer que l’on pourrait y trouver encore des jaspes et des porphyres verts et bleuâtres, parce qu’on a vu ci-devant que le pétrosilex, ou le caillou de roche d’un rouge brun, a donné l’origine aux jaspes et aux porphyres de la même couleur.

    En dernier lieu, on remarque une petite colline d’une pierre appelée corneus, d’un gris foncé, mêlée de fibres en forme de petits filets, et de taches de spath cristallisé à quatorze pans, et quelquefois congelées en forme de grappes : arrivé à Fréjus, toutes ces pierres disparaissent. » Remarques sur les montagnes de Provence, par M. Angerstein, dans les Mémoires des savants étrangers, t. II.

    Nous devons faire observer que cette idée de M. Angerstein, de regarder la roche grossière et grisâtre de la forêt de l’Esterelle en Provence comme la mère des granits, est sans aucun fondement ; car les granits ne sont pas des pierres enfantées immédiatement par d’autres pierres, et cette prétendue mère des granits n’est elle-même qu’un granit gris qui ressemble aux autres par sa composition, puisqu’il contient du quartz, du mica et de feldspath, de l’aveu même de l’auteur. Il dit de même que son pétrosilex est la mère des porphyres et des jaspes, ce qui n’est pas plus fondé, puisque ni le jaspe ni le porphyre ne contiennent point de quartz ; tandis que ce prétendu pétrosilex, étant composé de quartz et de feldspath, n’a point de rapport avec les jaspes ; il est du nombre des matières de la troisième combinaison dont nous venons de parler, ou, si l’on veut, il fait la nuance entre cette pierre et les granits, parce qu’on y voit quelques taches de plomb noir ou molybdène, qui, comme l’on sait, est une matière micacée ; il n’est donc pas possible que ce pétrosilex ait produit des jaspes, puisqu’il n’en contient pas la matière ; ainsi la distinction que cet observateur fait entre le granit, la roche grisâtre, mère des granits, et son pétrosilex, mère des porphyres et des jaspes, ne me paraît pas établie sur une juste comparaison ; et, de plus, nous verrons que le vrai pétrosilex est une matière différente de celle à laquelle M. Angerstein en applique ici le nom.