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et la seconde, brune ou noirâtre, dans les mines d’Aruda[1]. « En Suisse, le talc est fort commun, dit M. Guettard, dans le canton d’Uri ; les montagnes en donnent qui se lève en feuilles flexibles que l’on peut plier, et qui ressemble en tout à celui qu’on appelle communément verre de Moscovie[2]. » On tire aussi du talc de la Hongrie, de la Bohême, de la Silésie, du Tyrol, du comté de Holberg, de la Styrie, du mont Bructer, de la Suède, de l’Angleterre, de l’Espagne[3], etc.

Nous avons cru devoir citer tous les lieux où l’on a découvert du talc en masse, par la raison que, quoique les micas soient répandus et pour ainsi dire disséminés dans la plupart des substances vitreuses, ils ne forment que rarement des couches de talc pur qu’on puisse diviser en grandes feuilles minces[NdÉ 1].

En résumant ce que j’ai ci-devant exposé, il me paraît que le mica est certainement un verre, mais qui diffère des autres verres primitifs en ce qu’il n’a pas pris comme eux de la solidité, ce qui indique qu’il était exposé à l’action de l’air, et que c’est par cette raison qu’il n’a pu se recuire assez pour devenir solide : il formait donc la couche extérieure du globe vitrifié ; les autres verres se sont recuits sous cette enveloppe et ont pris toute leur consistance ; les micas au contraire n’en ayant point acquis par la fusion, faute de recuit, sont demeurés friables, et bientôt ont été réduits en particules et en paillettes ; c’est là l’origine de ce verre qui diffère du quartz et du jaspe en ce qu’il est un peu moins réfractaire à l’action du feu, et qui diffère en même temps du feldspath et du schorl en ce qu’il est beaucoup moins fusible et qu’il ne se convertit qu’en une espèce de scorie de couleur obscure, tandis que le feldspath et le schorl donnent un verre compacte et communément blanchâtre.

Tous les micas blancs ou colorés sont également aigres et arides au toucher, mais lorsqu’ils ont été atténués et ramollis par l’impression des éléments humides, ils sont devenus plus doux et ont pris la qualité du talc ; ensuite les particules talqueuses, rassemblées en certains endroits par l’infiltration ou le dépôt des eaux, se sont réunies par leur affinité, et ont formé les petites couches horizontales ou inclinées, dans lesquelles se trouvent les talcs plus ou moins purs et en plaques plus ou moins étendues.

Cette origine du mica et cette composition du talc me paraissent très naturelles ; mais comme tous les micas ne se présentent qu’en petites lames minces, rarement cristallisées, on pourrait croire que toutes ces paillettes ne sont que des exfoliations détachées par les éléments humides, et enlevées de la surface de tous les verres primitifs en général : cet effet est certainement arrivé, et l’on ne peut pas douter que les parcelles exfoliées des jaspes, du feldspath et du schorl, ne se soient incorporées avec plusieurs matières, soit par sublimation dans le feu primitif, soit par la stillation des eaux, mais il n’en faut pas conclure que les exfoliations de ces trois derniers verres aient formé les vrais micas ; car si c’était là leur véritable origine, ces micas auraient conservé, du moins en partie, la nature de ces verres dont ils se seraient détachés par exfoliation, et l’on trouverait des micas d’essence différente, les uns de celle du jaspe, les autres de celle du feldspath ou du schorl, au lieu qu’ils sont tous à peu près de la même nature et d’une essence qui paraît

  1. Actes de Copenhague, année 1677. M. Pott fait à ce sujet une remarque qui me paraît fondée ; il dit que Borrichius confond ici le talc avec la pierre ollaire, et il ajoute que Broëmel est tombé dans la même erreur, en parlant de la pierre ollaire dont on fait des pots et plusieurs sortes d’autres vases dans le Semptland : en effet, la pierre ollaire, comme la molybdène, quoique contenant beaucoup de talc, doivent être distinguées et séparées des talcs purs. Voyez les Mémoires de l’Académie de Berlin, année 1746, p. 65 et suiv.
  2. Voyez les Mémoires de l’Académie des sciences de Paris, année 1732, p. 328.
  3. Mémoires de l’Académie des sciences de Berlin, année 1746.
  1. Le mica, contrairement à ce que dit Buffon, forme souvent de très grandes lames.